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part que Mme de Lambert était la belle-fille de Bachaumont. Que n’a-t-il copié, sans vouloir traduire? Belle-fille est dit ici d’une fille en premières noces de la femme de Bachaumont. De quelles archives connues de lui seul M. Vian tire-t-il encore ce renseignement « que Mlle de Clermont descendait au deuxième degré du grand Condé et d’une fille légitime de Mme de Montespan? » Ni le code ne savait avant Me Vian que l’arrière-petite-fille fût au deuxième degré, ni l’histoire avant l’historien de Montesquieu que le vainqueur de Lens eût épousé une fille de Louis XIV, car, comme on pense bien, « légitime » est mis ici pour « légitimée. » Mlle de Clermont descendait du grand Condé au troisième degré, et au premier degré de Mlle de Nantes. M. Vian a pris la moyenne. Il n’hésitera pas à nous apprendre plus loin que Mme du Deffant, dont le mari mourut en 1750, était « veuve » quand elle devint quinze jours l’une des maîtresses du régent, qui mourut en 1723; — que la comtesse de Rochefort était la treizième fille du maréchal de Brancas, qui n’eut que onze enfans, dont cinq garçons[1] ; — que la même comtesse de Rochefort eut pour sœurs la marquise de Boufflers et la duchesse de Mirepoix, toutes deux filles du prince de Craon; — que le duc de Nivernais n’était qu’un « diplomate d’occasion, » le duc de Nivernais qui fut depuis trois fois ambassadeur et qui faillit être un jour ministre des affaires étrangères. Il était pourtant si facile, et même si naturel, dans une Histoire de Montesquieu, si l’on touchait deux mots de M. de Nivernais, de ne parler au moins ni de Mme de Rochefort, ni de la duchesse de Mirepoix, ni de la marquise de Boufflers, — que je ne suis même pas bien sûr que M. Vian ne confonde pas avec la comtesse de Boufflers! De quel droit encore, sur la foi de quel témoignage ou sur le vu de quel document M. Vian, ayant découvert « trois billets doux » de Montesquieu, décide-t-il qu’ils devaient être adressés à Mlle de Clermont, princesse du sang, sœur du duc de Bourbon? Montesquieu lui dédia son Temple de Gnide; mais Voltaire aussi lui dédia sa Fête de Bélèbat : est-ce une raison d’inscrire Voltaire avec Montesquieu parmi les caprices galans de l’altesse sérénissime? Sur quelle autorité M. Vian affirme-t-il que Montesquieu fit partie du Club de l’entresol? Nous ne connaissons guère le Club de l’entresol que par les Mémoires de d’Argenson. Dans quelle édition des Mémoires M. Vian a-t-il lu le nom de Montesquieu sur la liste que d’Argenson nous donne des membres de ce club? Comment encore M. Vian peut-il nous raconter cette fable des Lettres persanes rééditées ou cartonnées en moins de huit jours à l’usage personnel du cardinal de Fleury? Comment peut-il nous dire

  1. Les généalogistes ne tombent pas d’accord sur le chiffre. Les uns ne donnent que cinq enfans à M. de Brancas; les autres, M. de Loménie par exemple, que M. Vian cite en note, lui en accordent sept; un troisième enfin consent à lui passer les onze; mais il était si simple encore, on l’avouera, dans une Histoire de Montesquieu, de ne pas numéroter les demoiselles de Brancas !