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L’ÎLE DE CYPRE.

remarqué que ces statues étaient rangées dans le temple par groupes de même style. Celles qui sont de couleur et d’apparence égyptienne ont été retrouvées les unes près des autres ; de même pour celles qui font songer à l’Assyrie, pour celles qui s’inspirent de l’art grec archaïque et pour les monumens où l’on sent le goût du siècle des successeurs d’Alexandre et de l’époque romaine. Ceci fait comprendre comment les choses se sont passées. Les premiers venus ont pris les meilleures places, celles qui étaient les plus rapprochées de l’image divine ; les générations suivantes ont rempli, peu à peu, l’espace disponible et, dans les derniers temps du paganisme, on ne trouvait plus où se mettre que près des portes, très loin du centre. C’est là qu’ont été recueillies les figures où, sans être complètement effacée, l’influence des traditions locales se fait le moins sentir et où les œuvres de la statuaire cypriote ne se distinguent parfois plus guère que par la matière dont elles sont faites, la pierre blanche de l’île.

De toutes les statues recueillies à Cypre, les plus intéressantes sont peut-être ces images sacerdotales ; seules elles forment une série où l’on peut rétablir, jusqu’à un certain point, la suite chronologique et suivre à la trace les lentes modifications que subit un même type, les variations d’un style qui, tout en n’échappant pas à l’action d’influences successives, conserve avec une singulière ténacité les habitudes et les procédés qui lui sont propres. Les fouilles ont d’ailleurs mis au jour bien d’autres figures qui n’appartiennent pas à cette série, mais que l’on ne saurait étudier sans entrer dans un détail où l’on se perdrait. Ce sont des personnages que leur costume plus simple semble désigner comme des prêtres d’un rang inférieur ou des dévots laïques, comme des bourgeois de l’île ou des pèlerins qui, en signe de piété, auraient tenu à dresser leur image dans le sanctuaire ou dans son voisinage. Ce sont des femmes, prêtresses ou courtisanes sacrées, tenant en main la fleur ou la colombe. Ce sont des matrones, assises dans un large fauteuil, qui portent sur leurs genoux ou dans leur bras un ou plusieurs enfans nouveau-nés ; faut-il voir dans ces dernières figurines, en général d’assez faible dimension, des déesses-mères ou bien l’image d’une femme qui est heureusement accouchée, grâce à la protection d’une déesse de la vie et de la fécondité ? Il est difficile de se prononcer à ce sujet ; on n’est pas moins embarrassé à propos de petites figures de cavaliers ou de guerriers debout dans des chariots, qui ont été recueillies en grand nombre à peu près sur tous les points de l’île et qui se trouvent souvent dans les tombes. Elles sont d’ordinaire en terre cuite ; le harnachement des chevaux, la coiffure et l’armement des cavaliers rappellent les bas-reliefs assyriens. On a voulu y voir des