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administrations municipales[1] et des sociétés populaires, astreints aux plus tyranniques exigences, à la prestation du serment de haine à la royauté, à l’enseignement obligatoire des droits de l’homme et du catéchisme républicain, à la célébration des fêtes républicaines, dénoncés à tout propos, traités en suspects et considérés par les autorités locales comme des émigrés à l’intérieur, les malheureux n’étaient guère en situation de faire une concurrence sérieuse aux écoles de la république. Aussi ne s’éleva-t-il aucune réclamation lorsqu’en 1802, devant la nullité des résultats obtenus par les écoles particulières, le législateur inscrivit de nouveau dans la loi (loi du 1er mai 1802) le principe de l’autorisation préalable dont les lois et décrets organiques rendus par l’empereur en 1806, 1808 et 1812 furent l’application étendue et généralisée. Ainsi reparut, après une éclipse de quelques années, le vieux droit monarchique que la révolution avait bien aboli, mais qu’elle n’avait su remplacer par rien de viable et de fort. Ce fut cet ancien droit qui fournit à l’empereur la plupart de ces dispositions restrictives de la liberté d’enseignement dont la paternité devait lui être un jour si faussement imputée. Napoléon se contenta de les reprendre et de les coordonner ; seulement il y mit, comme à tout ce qu’il touchait, son empreinte, celle de son génie centralisateur et méthodique. Aux anciennes universités, éparses sur toute la surface du territoire sans lien d’aucune sorte entre elles, sans discipline et sans direction communes, vivant de leur vie propre, indépendantes, isolées, animées de l’esprit étroit des corporations, il substitua l’Université de France, c’est-à-dire un corps unique, fortement relié dans toutes ses parties et vigoureusement hiérarchisé, ayant à sa tête pour l’action un grand maître, pour la délibération et pour la juridiction disciplinaire, un conseil, gardien des doctrines et des garanties du corps tout entier. À ce corps ainsi pétri, qu’il voulait inspiré d’un esprit à la fois national et religieux, et dont il avait rêvé de faire le « conservateur de l’unité française, » Napoléon donna le monopole de l’enseignement. L’Université fut seule officiellement chargée de l’éducation de toute la jeunesse française, et de la délivrance des gracies; il ne fut admis d’exception qu’en faveur des frères de la doctrine chrétienne et des écoles secondaires ecclésiastiques ou petits séminaires qu’un besoin du service religieux avait fait créer par plusieurs évêques. Les premiers continuèrent à pouvoir exercer, en tant que congrégation, l’enseignement primaire ; les autres furent dispensés de la fréquentation des collèges et lycées impériaux. Quant aux autres établissemens privés, institutions ou pensions, la loi de 1802 les avait déjà fait rentrer sous le régime du pouvoir discrétionnaire;

  1. Arrêté du directoire du 17 pluviôse an VI.