Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 33.djvu/435

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grades universitaires? Pourquoi surtout ce système de surveillance permanente attribué à l’Université sur les établissemens concurrens? On se défiait donc bien de la liberté ; on avait donc peur de ses effets? L’Université n’était-elle pas assez forte pour supporter la lutte à armes égales? Qu’avait-elle besoin de ce régime protecteur? »

A quoi M. Guizot répondait : « L’Université n’a pas besoin du régime protecteur; mais la liberté d’enseignement sans garanties préalables et sans la surveillance de l’état n’est pas celle qu’a voulue la charte. L’enseignement n’est pas une industrie comme toutes les autres; c’est une industrie qui exige infiniment de précautions. Si l’on réglemente les professions libérales, à plus forte raison doit-on réglementer celles qui se rapportent non-seulement à l’intelligence, mais à la moralité des hommes, qui influent non-seulement sur leur esprit, mais sur leur âme. Il est évident qu’alors la puissance publique ne peut rester dans l’inaction ; il faut qu’elle avise et surveille efficacement ces industries. »

Il semblait difficile qu’un rapprochement sincère et durable se fît entre des prétentions aussi contradictoires. Pourtant le gouvernement l’emporta de haute lutte à la chambre des députés; sa loi fut votée dans la séance du 29 mars 1837 par cent soixante et une voix contre cent trente-deux. Mais il lui restait à subir une épreuve à laquelle elle eût très vraisemblablement succombé : celle de la discussion devant la chambre des pairs. Les circonstances épargnèrent cet échec à M. Guizot : il tomba le 15 avril de cette même année 1837, lors de l’avènement du cabinet Mole, et son projet fut pour le moment abandonné. Toutefois les principes et le système sur lesquels était fondé ce projet ne devaient pas périr. Dès 1841 M. Villemain le reprenait dans ses dispositions principales et le soumettait de nouveau aux chambres qui, pour des raisons qu’il serait trop long de rappeler ici, ne le discutèrent qu’en 1844.

Le projet de M. Villemain se rapprochait beaucoup, avons-nous dit, du projet de M. Guizot, cependant il n’en était pas la reproduction servile. Il en différait sur quelques points, il le complétait sur d’autres; en général il l’aggravait. On avait déjà trouvé le système de la loi de 1837 excessif, ultra-protecteur; on lui reprochait de faire une trop grande part à l’intervention de l’état et d’être infiniment trop compliqué. Le système de M. Villemain prêtait plus encore à ces critiques. Les garanties qu’il exigeait des candidats au brevet de capacité, les formalités et conditions auxquelles il les soumettait, les pénalités, la juridiction, tout dans ce système était forcé, poussé à l’excès. L’esprit de corps et l’esprit de routine dans ce qu’ils ont de plus étroit y étaient manifestes. Le projet contenait d’ailleurs une série de dispositions relatives aux