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Bismarck s’engage et engage l’Allemagne avec lui dans une voie où les expériences peuvent coûter cher.

L’Italie a bien, elle aussi, sa place dans cet imbroglio des relations commerciales de l’Europe, que l’intervention du chancelier allemand ne simplifie pas, et elle n’a pas à s’occuper seulement de ses tarifs, des conditions d’un régime économique qui reste aussi incertain pour elle que pour tous les autres pays ; elle a ses affaires intérieures, sa situation morale, ses incohérences de partis, ses embarras ministériels et parlementaires, ses réformes toujours en projet, son équilibre budgétaire toujours en discussion ; elle a ses grandes et ses petites questions. À dire vrai, l’Italie, dans son bon sens, ne s’est pas beaucoup émue de la diversion que Garibaldi a voulu dernièrement lui procurer en reparaissant à Rome sans y être appelé. Est ce la suite du déclin trop visible de l’homme ? Est-ce l’effet de circonstances contraires ? Le fait est que le vieux héros n’a point eu décidément de succès dans ce récent voyage. Il semble assez embarrassé de lui-même, il se perd dans les manifestes, les discours et les lettres, tiraillé entre le roi et la ligue, entre la monarchie et la république. Il est par trop dépaysé dans la vie officielle et régulière, en dehors de son île de Caprera, d’où il ne sortait autrefois que pour les prouesses retentissantes qui ne conviennent plus à un invalide.

Pour cette fois, Garibaldi aura traversé Rome assez obscurément. Il n’a ni remué l’opinion, ni gêné beaucoup le ministère pour qui il aurait pu être en d’autres momens un embarras. Il a laissé en paix le parlement qui, après avoir passé quelques jours à discuter une loi sur les chemins de fer, a maintenant devant lui le budget, l’exposé financier qui vient de lui être soumis, et un projet de réforme électorale qui vient de lui être présenté. Le ministre des finances, M. Magliani, est un homme à l’esprit net, au langage clair et facile, qui a tracé dans son exposé un tableau peut-être un peu optimiste. Il s’est plu à constater la décroissance du déficit depuis quelques années, à énumérer les ressources évidemment nombreuses et sérieuses dont l’Italie peut disposer pour suffire aux dépenses nécessaires. Le point capital dans ces combinaisons est toujours la perspective de l’abrogation graduelle de l’impôt sur la mouture qui a été déjà votée en principe ; mais cette abrogation, dont tous les ministères de la gauche se font une obligation en arrivant au pouvoir, c’est une diminution de recettes, et M. Magliani ne l’accepte qu’en cherchant avant tout un moyen d’y suppléer, sinon par une contribution nouvelle, du moins par une augmentation de certains impôts anciens sur les sucres, sur les alcools, sur l’enregistrement. C’est une carrière ouverte à de sérieuses discussions où M. Magliani rencontrera pour contradicteurs des hommes habiles et expérimentés : M. Sella, M. Minghetti, M. Luzzati. Quant à la réforme électorale qui