Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 33.djvu/547

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vouloir disloquer la France à son profit. Les délégués se retirèrent. Ils ne se sentaient pas en sûreté à Versailles ; ils s’imaginaient, bien à tort, qu’on allait les arrêter. On dit qu’ils cherchèrent vainement une voiture et que, n’en trouvant pas, ils se dirigèrent modestement à pied vers Paris, où ils arrivèrent à six heures du matin très fatigués et fort mal satisfaits. On a prétendu que parmi les délégués il y avait un membre de la commune ; c’est une erreur.

Les francs-maçons qui, au nombre d’une centaine, s’étaient établis en permanence dans une maison de l’avenue Wagram furent les premiers avertis de la déconvenue de leurs délégués. On discuta, et les avis furent partagés ; les uns voulaient retirer immédiatement les bannières exposées sur les remparts ; les autres disaient : Non, il faut les laisser, et prendre les armes si une seule d’entre elles est atteinte par « les projectiles versaillais. » Il me semble que l’on adopta un moyen terme afin de contenter tout le monde. La majeure partie des bannières fut enlevée le jour même, vers cinq heures du soir, peu d’instans avant la reprise des hostilités. Quelques-unes restèrent plantées sur les fortifications jusqu’au 2 mai. Alors on les fit disparaître, et il n’en fut plus question. Le major commandant la place Vendôme, Simon Mayer, qui fut, sur les buttes Montmartre, un des mieux méritans de la journée du 18 mars et qui, le 16 mai, devait précipiter le drapeau français du haut de la colonne de la grande armée, escorta la manifestation et fit son rapport au « général commandant la place de Paris : » — « J’ai constaté la présence des citoyens et frères Jules Vallès et Ranvier, ainsi que celle des citoyens Bergeret et Henry Fortuné (le vrai nom de celui-ci était Sixte Casse), tout s’est bien passé. Comme impression universelle, je dois dire à la gloire de la franc-maçonnerie que cette journée sera la plus belle page de son histoire. »

La vraie franc-maçonnerie ne partagea point l’opinion du citoyen Simon Mayer, et elle protesta vigoureusement contre le rôle impie que l’on avait essayé de lui faire jouer. Quelques hommes considérables n’attendent pas que l’assemblée générale soit réunie ; ils ne craignent pas, à cette heure où tout est péril pour les modérés, de flétrir les maçons qui ont compromis l’ordre tout entier, MM. Jules Prunelle, Malapert, Ernest Hamel, Beruniau, dans des lettres très fermes et de bon style, rappellent les dissidens au sentiment du devoir. Plus tard, aussitôt que les communications seront rouvertes entre la France et Paris délivré, dès le 29 mai, le suprême conseil du Grand-Orient adressera à toutes les loges de l’obédience une protestation formelle et motivée contre les actes coupables commis par des révolutionnaires qui ont tenté de rendre la maçonnerie solidaire de la commune.

La sotte fin de cette manifestation n’arrêta point les meneurs ;