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LES MIRABEAU

Louis de Loménie. — Les Mirabeau, nouvelles études sur la société française
au xviiie siècle. Paris, 1879.


La théorie de l’hérédité que les modernes croient avoir découverte, mais qui remonte aussi haut que la doctrine du péché originel, — qui n’est vraie d’ailleurs que dans une certaine mesure, à condition qu’on ne l’invoque pas toujours et à tout propos comme une loi fatale de la nature humaine, — reçoit une éclatante confirmation de l’histoire des Mirabeau. On comprendrait moins bien le génie et les vices du grand orateur, si on ne connaissait les passions violentes de ses ancêtres, les démêlés de ses parens et les scènes de famille au milieu desquelles il a grandi. « Cette race tempestive, » comme l’appelle le marquis de Mirabeau, revit tout entière dans les deux volumes qui ont été le testament littéraire de M. de Loménie. En possession de tous les documens qu’avait rassemblés le fils adoptif de Mirabeau, autorisé à s’en servir avec la plus complète indépendance, M. de Loménie, qui ne voulait rien donner au hasard, qui aimait la vérité jusqu’au scrupule, a exploré patiemment les moindres recoins de l’histoire du xviiie siècle pour y découvrir quelques renseignemens nouveaux sur le sujet qui l’occupait ; il a poursuivi son œuvre pendant vingt ans, sans s’accorder un jour de repos, et il en corrigeait encore les dernières épreuves sur son lit de mort.

On peut suivre un tel guide avec confiance. Il ne mêle pas le roman à l’histoire, il n’a souci que d’être exact, il n’affirme rien qu’il ne prouve, et si par hasard il ignore, s’il hésite ou s’il doute, il a la bonne foi de nous en avertir. Il ne tombe pas non plus dans le travers des possesseurs de documens qui se croient quittes envers le public lorsqu’ils éditent des textes sans choix, sans discernement, en nous laissant le soin de distinguer ce qui est important de ce qui ne l’est pas, en s’épargnant la peine de pénétrer jusqu’à la