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chancelier, écrivait Henri IV[1] à Fontainebleau, m’estant courroucé à mon cousin le duc de Rohan de ce qu’il ne se rendait plus sujet suivy près de moy, il s’en est excusé sur ce qu’il ne peut, à cause de la crainte qu’il y a que, aussitôt qu’il y sera avec son équipage, que l’on le lui fasse saisir et arrester à cause de ses debtes. » C’est pourquoi le roi commande au chancelier de donner au duc de Rohan des lettres patentes pour empêcher qu’on ne saisisse son équipage quand il sera près du roi.

Cette lettre est du 28 avril, mais n’a point d’autre date : le roi Henri IV s’est trouvé à Fontainebleau le 28 avril en 1600, en 1604 et 1605 ; il n’y était certainement pas en 1602 ; il pouvait y être en 1601 et en 1603 ; la lettre a donc été écrite entre 1600 et 1605 ; elle se rapporte peut-être à l’année 1604.

Nous avons déjà parlé des embarras de la duchesse douairière de Rohan. Les grandes familles de cette époque, surtout en Bretagne, avec de grandes terres, avaient le plus souvent des dettes. Pendant les guerres civiles, elles avaient été presque ruinées ; la guerre dévorait le plus clair des revenus. La propriété d’ailleurs avait encore quelque chose de patriarcal, elle n’était ni fiscale ni oppressive ; le seigneur tenait plus à la fidélité des tenanciers qu’à leur argent. Le roi, qui avait fait le mariage de Rohan, lui donna la charge de colonel général des Suisses (vacante par la démission de Sancy)[2]. La fille de Sully, quand elle épousa Rohan, était encore si jeune que la consommation du mariage fut différée quatre ans. Henri IV voulait s’attacher Rohan par ses bienfaits en même temps que flatter par une grande alliance l’orgueil de son ministre. Catherine de Parthenay fut elle-même reconnaissante au roi et s’adoucit à son égard[3].

Très peu après son mariage, Rohan alla conduire sa sœur Catherine en Allemagne : « Je vous dirai donc, écrivait-il à son retour à M. de La Force (de Fontainebleau, le 3 mai 1605), que nous avons conduit ma sœur des Deux-Ponts chez elle, où elle a trouvé une cour demi-française, mais un prince tout entièrement français, qui l’aime extrêmement, ce qui convie les autres à l’honorer ; certes, je la crois fort heureuse, et plût à Dieu que mes autres sœurs fussent pourvues de maris qui les aimassent autant ! En passant par la Lorraine, nous avons reçu infinis honneurs et courtoisies de ces

  1. Lettres d’Henri IV, t. IX, p. 58. Original conservé à la bibliothèque de Saint-Pétersbourg.
  2. M. de Rosny avait fait avoir à M. de Rohan la charge de colonel des Suisses qu’avait M. de Bouillon de Maulevrier. (Mém. de La Force, t..1, p. 358.)
  3. A la mort d’Henri IV, elle fit des vers pour le pleurer ; ces vers, détestables d’ailleurs, sont cités dans l’article que lui consacre la France protestante.