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fait élever le jeune prince à Saint-Germain-en-Laye, et donné sa parole au pape qu’il le retirerait des mains protestantes. Le petit prince, à l’âge de huit ans (1596), fut conduit à la messe et instruit dans la religion catholique par Pierre de Gondi, cardinal-évêque de Paris. Henri IV lui octroya, quand il n’avait que neuf ans, les provisions du gouvernement de Guienne. Sa mère, Charlotte, abjura solennellement le calvinisme entre les mains du légat à Rouen, le 26 décembre 1596.

Condé avait l’humeur difficile ; en 1607, il fit appeler M. de Nevers[1] pour quelques paroles. Le duc de Nevers alla au rendez-vous, mais le roi, averti, mit empêchement au duel et réprimanda le duc de Nevers pour n’avoir point assez respecté la qualité d’un prince du sang. Condé avait épousé en 1609 Charlotte-Marguerite de Montmorency ; l’amour du roi pour la princesse, la fuite des jeunes époux, les mouvemens qui en furent la suite, sont parmi les événemens les plus connus de notre histoire.

C’est à Milan que Condé apprit la mort d’Henri IV. Il résista à toutes les ouvertures du comte de Fuentes, qui tâcha de piquer son ambition et lui montra le chemin de la royauté ; il fut encore sollicité par l’Espagne à Bruxelles ; mais il résista à toutes les avances.

Sully, qui voyait son crédit détruit, alla au-devant du prince avec deux cents chevaux comme fît d’Épernon, qui redoutait la venue de l’exilé. Monsieur le prince entra à Paris à cheval, parmi une grande foule de cavaliers, ayant à côté de lui le prince d’Orange, son beau-frère[2]. Les huguenots regardèrent avidement le jeune homme, monté sur une belle hacquenée pie donnée par l’archiduc. « Il fut remarqué de tous fort triste, et comme un homme qui a peur, descontenancé, se jouant tantôt au collet de sa chemise, puis à ses gants qu’il mordait, après à sa barbe et à son menton[3]. » Il se rendit ainsi au Louvre pour saluer la reine régente, qui le reçut fort bien, et alla en son logis, à l’hôtel de Lyon, en traversant le Pont-Neuf.

Condé protesta qu’il ne voulait tenir d’autre parti que celui de la reine et du roi, et qu’il voulait maintenir l’autorité des parlemens ; il fit de grandes politesses à MM. de Thou et Molé. Il suivait, en agissant ainsi, les conseils du maréchal de Bouillon, avec qui il avait conféré à Senlis, et du connétable, son oncle, « vieux routier et sage mondain » suivant le mot de L’Estoile.

  1. M. de Nevers était fils de Louis de Gonzague, prince de Mantoue, et d’Henriette de Clèves.
  2. Philippe-Guillaume de Nassau.
  3. L’Estoile. — Journal d’Henri IV, t. IV, p. 166.