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éminens auxquels revient l’honneur de cette législation, dans la pensée de M. Jules Simon, dans celle de M. Thiers, dans celle de M. le duc de Broglie, le conseil supérieur de l’instruction publique ne devait pas être un simple conseil de l’état et de l’Université ; il devait être « le conseil de la société, de la grande famille française[1]. » À ce titre, il importait qu’il fut libéralement ouvert aux représentans de toutes les forces sociales : l’administration, le clergé, la magistrature, l’armée. Il y avait d’ailleurs une autre raison de ne le point composer exclusivement de membres du corps enseignant, une raison tirée de ses attributions disciplinaires et contentieuses. « Tant que la liberté d’enseignement n’a pas existé, disait excellemment M. Jules Simon dans son rapport de 1849, tout professeur était justiciable de l’Université. Aujourd’hui il n’en saurait plus être ainsi. S’il est nécessaire de placer auprès du ministre un comité consultatif pour le remplacer dans quelques-unes de ses attributions, on ne saurait, sans violer l’esprit de la constitution, composer ce corps de membres de l’Université. C’est là sans doute une vérité d’évidence et qu’on nous dispensera de démontrer. »

Quelques mois plus tard, dans la discussion de 1850, M. Thiers donnait encore plus de force et de relief à cette idée. Il disait dans la séance du 18 janvier : « Quand vous créez le jury, de quoi le composez-vous ? Vous le composez de la société elle-même… Comment, vous comprenez dans l’enseignement des écoles ecclésiastiques, des écoles privées et laïques, des écoles de diverses méthodes, et vous ne voulez pas que ces écoles aient leur représentant dans le conseil universitaire ! Mais vous voudriez une chose inique, absurde, insoutenable ! » Tels étaient les sentimens maintes fois déclarés des hommes qui préparèrent ou qui firent la loi de 1850 ; et qu’on ne vienne pas dire que ces sentimens étaient ceux d’une époque de réaction cléricale et monarchique. M. Thiers ne faisait pas de réaction cléricale en 1873 ; il faisait tout autre chose, à ce qu’il nous semble. M. Jules Simon n’a jamais passé, lui non plus, pour un ennemi de l’Université. Cependant, quel fut son langage dans la discussion de 1873 ? Que disait-il, non plus comme simple rapporteur d’un projet de loi, mais comme ministre ? Il disait : « Messieurs, le gouvernement est sympathique à l’enseignement libre autant que qui que ce soit dans cette enceinte. Comme vous allez, par une prochaine loi, augmenter le nombre des établissemens libres et créer peut-être, je l’espère, des facultés d’enseignement libre, je crois que, quand ces facultés seront créées et qu’elles existeront, il y aura une raison péremptoire de réclamer

  1. Rapport de M. le duc de Broglie, en 1873.