Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 33.djvu/663

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’augmentation du nombre des représentans de l’enseignement libre dans le conseil. » Ainsi le gouvernement de M. Thiers, dans la personne de M. Jules Simon, loin d’être hostile à la représentation des grands intérêts sociaux dans le conseil supérieur, prévoyait déjà le moment où, par suite du développement de l’enseignement libre, il deviendrait nécessaire d’y admettre un plus grand nombre de membres étrangers à l’Université. Il était prêt à donner cette satisfaction à l’opinion libérale ; il en prenait à l’avance l’engagement spontané.

Tout autre est le sentiment du gouvernement actuel ; il ne connaît pas ces vains scrupules. Dans le projet de M. Jules Ferry, le conseil supérieur n’est plus qu’un conseil d’études : le thème grec et le vers latin, voilà tout son royaume. L’éducation morale et religieuse, la direction de l’enseignement public et privé, la discipline et l’esprit de l’enseignement, tous ces grands objets lui sont enlevés ou relégués au second plan. La haute mission qu’il tenait des lois antérieures devient une mission « pédagogique, » et il devient lui-même une assemblée de scholars d’où sont systématiquement exclus tous les élémens « incompétens. » Incompétent le clergé ? Incompétente la magistrature ? Incompétens le conseil d’état et l’Institut ? Incompétens les membres de l’enseignement libre ? Incompétent tout ce qui n’aura pas la marque et l’attache universitaire ? Il y aura jusqu’à six inspecteurs primaires dans ce conseil et il ne comptera pas moins de cinquante membres, tous de la maison[1]. Si Bossuet revenait, il n’en serait pas ! Portalis et d’Aguesseau, pas davantage !

Mais du moins cette assemblée de pédagogues sera-t-elle tenue de se renfermer dans ses attributions spéciales ? Point, et c’est ici qu’éclate vraiment toute la hardiesse de M. le ministre de l’instruction publique. « Le conseil en assemblée générale donne son avis : sur les règlemens relatifs aux examens communs aux élèves des écoles publiques ; sur les règlemens relatifs à la surveillance des écoles libres ; sur les livres qui peuvent être interdits dans les écoles libres comme contraires à la morale, à la constitution et aux lois. Et il statue, en dernier ressort, sur les jugemens rendus par les conseils académiques dans les affaires contentieuses relatives : 1o à l’obtention des grades et aux concours devant les facultés, 2o et 3o à l’interdiction du droit d’enseigner ou de diriger un établissement d’enseignement prononcée contre un membre de l’enseignement public ou libre, 4o à l’exclusion des étudians de toutes les académies. C’est-à-dire qu’il est à la fois juge souverain des

  1. À l’exception de quatre membres de l’enseignement libre nommés par le président de la république sur la proposition du ministre.