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médecine. Sous le régime du monopole universitaire, en vertu des mêmes nécessités, pour répondre aux mêmes besoins, les concours généraux des lycées de Paris sont institués, et, de nos jours, on a cru devoir étendre à toutes nos académies cette institution.

Voilà des preuves, des exemples. Veut-on maintenant qu’à l’appui de ces preuves nous invoquions l’autorité des hommes les plus compétens, les plus illustres même ? M. Saint-Marc Girardin disait en 1837 à la tribune de la chambre des députés : « Je ne crains pas la concurrence pour l’Université ; tout au contraire, je la désire…. il faut de la concurrence, de la rivalité ; sans rivalité, on s’endort. Vienne donc l’esprit de rivalité, nous en avons besoin. » M. Guizot disait pareillement dans la même discussion : « Avant 1789, il y avait en France, messieurs, en fait d’éducation, une grande et active concurrence entre tous les établissemens particuliers, toutes les congrégations, toutes les fondations savantes, littéraires, religieuses qui s’occupaient d’instruction publique. Cette concurrence était très active, très efficace, et c’est à cette concurrence qu’ont été dus en grande partie les bienfaits du système d’éducation de cette époque. »

Cinquante ans plus tôt, Talleyrand exprimait déjà cette même pensée dans son fameux rapport : « Si chacun, disait-il, a le droit de recevoir les bienfaits de l’instruction, chacun a réciproquement le droit de concourir à la répandre. Car c’est du concours et de la rivalité, des efforts individuels que naîtra toujours le plus grand bien… Tout privilège est par sa nature odieux. Un privilège en matière d’instruction serait plus odieux et plus absurde encore. »

Enfin le grand cardinal, Richelieu lui-même, était partisan de la concurrence ; il lui trouvait une vertu particulière, et l’on peut lire dans l’admirable monument de sagesse politique qu’il a laissé, dans son Testament, cette phrase significative : « Il convenait que les universités et les jésuites enseignassent à l’envi, afin que l’émulation aiguisât leur vertu et que les sciences fussent d’autant plus assurées dans l’état que, si les uns venaient à perdre un si sacré dépôt, il se retrouvât chez les autres. » Ainsi, loin d’appeler des mesures de rigueur contre les congrégations enseignantes, le bien de l’Université, son intérêt, commandaient au contraire de les respecter. Si le corps enseignant n’était pas tenu constamment en haleine par une crainte salutaire, il n’y a pas de règlement, pas de surveillance, pas d’inspection qui pourraient obtenir de lui ce que l’émulation lui fait donner aujourd’hui. D’ailleurs croit-on qu’il gagnerait beaucoup en prestige, en dignité, à la proscription de ses adversaires ? Ne voit-on pas que cette proscription achèvera de perdre l’Université dans l’esprit d’un très grand nombre de gens ? On lui reproche