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le jour, gouvernée sans suite et sans méthode par les premiers politiciens venus. C’est ce régime qui l’énerve et qui l’épuise bien plus que la concurrence ; c’est lui l’ennemi, bien plus que « les hommes noirs. » L’Université n’a pas peur des hommes noirs ; ce qu’elle redoute par-dessus tout, M. Jules Simon le disait déjà en 1849 et il n’a pas dû changer d’avis, ce sont les incapables et les brouillons.

Mais laissons l’Université, abordons un côté plus général et plus élevé de la question ; considérons les projets de M. le ministre de l’instruction publique au point de vue des rapports de l’église et de l’état, et demandons-nous quel effet salutaire et bienfaisant nous devons en attendre. Une division de plus dans les familles et dans le pays, un trouble profond dans les intérêts matériels et moraux d’une grande partie de la population, une émotion extraordinaire dans l’église, l’épiscopat tout entier se croisant, la majorité des conseils généraux hostiles, et, comme si ce n’était pas assez de tant de difficultés, le jacobinisme, mis en appétit par la proie qu’on lui a jetée, réclamant la proscription en masse de toutes les congrégations, voilà jusqu’à ce jour le plus clair résultat de la campagne entreprise par M. Jules Ferry. Or, nous le demandons, une telle lutte était-elle nécessaire ? est-elle bonne, et fallait-il élever ce conflit ? Nous vivions, l’état vivait, depuis 1850, dans une tranquillité relative avec l’église ; une ou deux fois, sous le dernier régime, ils s’étaient heurtés, mais sans que le dissentiment prît les proportions d’une rupture. Des deux côtés on s’était fait des concessions pour éviter un choc. Ce choc, le gouvernement de la république vient de le provoquer. C’est bien du courage ou bien de la présomption. C’est surtout une singulière illusion que de compter, pour venir à bout des résistances de l’église, sur je ne sais quelle division qu’on cherche à susciter dans son sein, et nous n’avons pu nous empêcher de trouver singulièrement naïves les avances qu’un des collègues de M. Jules Ferry faisait récemment au bas clergé. Ces avances auraient pu produire de l’effet, il y a quelque cent cinquante ou deux cents ans. Il y avait une église de France alors, une église et une doctrine gallicane ; il y avait des évêques qui s’appelaient Bossuet et un roi qui s’appelait Louis XIV. Où est l’église de France aujourd’hui ? Et qui songe encore à la déclaration de 1682 ? L’église de France est morte et pour croire qu’on la ressuscitera, qu’on réveillera le vieil antagonisme du clergé séculier contre les congrégations, il faut bien peu connaître l’histoire ecclésiastique.

Considérez en effet cette histoire, suivez-en les phases successives à travers les âges, remontez jusqu’au premier anneau de cette chaîne que le concile de 1870 a définitivement rivée dans