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venues témoigner fera pour ainsi dire défaut à notre examen. Nous le regrettons, car ce genre devrait tenir ici la première place. Oui, nous eussions aimé à voir la sculpture monumentale prendre son rang à l’exposition et bien faire connaître le double courant dans lequel elle est engagée : celui qui a sa source dans l’archéologie et celui qui naît des exigences de l’art contemporain.

Jusqu’ici nous étions habitués à voir chaque année quelques-unes de ces œuvres qu’avait inspirées le passé et qui, traitées d’après les données du moyen âge ou de la renaissance, allaient orner les édifices que l’on restaure ou ceux que l’on construit de toutes pièces d’après des types consacrés. Il nous semblait que ces restitutions décoratives n’étaient pas sans intérêt, qu’elles instruisaient le public et qu’elles servaient bien la réputation des artistes qui se vouent à les exécuter. Pourquoi ne sommes-nous pas appelés à voir aujourd’hui les modèles des sculptures que M. Pascal vient de terminer à la nouvelle cathédrale de Marseille et à l’église de Bergerac ? les statues de M. Tournier, qui manie avec tant d’élégance les styles du XIIe et du XIIIe siècle, et quelques échantillons de l’œuvre immense de M. Geoffroy de Chaume ? Tout le monde y gagnerait. On priserait davantage cet ordre de travaux, qui semblent se dérober à notre estime et se défier également de notre compétence et de notre équité. Parmi ceux qui les produisent il y a des maîtres véritables, et ceux-là, quoi qu’on en veuille dire, sont bien de notre temps. Leur originalité érudite consiste dans la puissance qu’ils ont d’imposer à leur talent des migrations à travers les âges et d’évoquer des images qui sont telles, qu’arrivées à leur destination elles semblent y reprendre des places qu’elles auraient momentanément quittées. Le respect de la vérité historique, qui est la raison d’être et le soutien de pareils ouvrages, s’est développé dans notre siècle, qui leur met ainsi sa marque. Nous n’en saurions douter, ces œuvres, qu’on pourrait croire anonymes, seront faciles à reconnaître un jour, elles nous feront honneur ; elles honoreront aussi leurs auteurs, dont la personnalité, qu’on dirait multiple, appartient à plusieurs époques à la fois ; elles donneront la mesure de talens qui, à force de flexibilité, parlent jusqu’aux dialectes les plus rudes de l’art et se prêtent à reproduire aisément les rigidités de l’archaïsme.

L’administration n’était pas sans s’être préoccupée de l’intérêt qui pouvait s’attachera la constatation de ces mérites. Un article du règlement avait prévu que des salles spéciales seraient réservées aux esquisses et aux modèles des travaux destinés aux monumens publics. On avait estimé que donner à ces productions un local à part, c’était les tirer de la foule, signaler plus particulièrement à