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certaines parties d’une statue qui a du succès peuvent être accusées de n’être que des moulages sur nature. Est-il possible d’adresser un plus grave reproche à ce qui se dit un art, de montrer phis cruellement à une école le péril de ses tendances ?

Ces considérations dans lesquelles nous devions entrer, nous n’avons pas besoin de le dire, ne s’appliquent point dans leur partie technique à l’œuvre de M. de Saint-Marceaux, qui nous inspire une si grande estime. Elles n’atteignent pas non plus un certain nombre de figures qui à bien prendre ne sont que des études, mais qui ont une force et un accent des plus vifs. Tel est le Belluaire de M. Ferrary, d’un ensemble si complet, si individuel jusqu’à l’épiderme, tel est aussi le Moissonneur de M. Gaudez dont le type rustique est si vigoureusement saisi. Encore moins pourraient-elles convenir à l’Oreste de M. Hugoulin. Ce jeune sculpteur, que nous sachions, ne doit rien à l’Italie, mais un sentiment élevé se montre dans son ouvrage. Sans archéologie, sans concession à des formes consacrées ou convenues, il a fait naturellement une statue qui n’est pas indigne d’un sujet héroïque. Oreste, terrassé par le remords, est étendu devant l’autel de Minerve. La déesse étend vers lui son bouclier, et dans l’ombre qu’il projette, la tête du suppliant, fouillée comme un masque tragique, s’accuse avec énergie. Les formes du corps sont puissantes ; sans doute elles n’ont pas le caractère maladif que l’on souhaiterait ; car à nous autres modernes il faut toujours un peu de pathologie : ici d’ailleurs elle serait à sa place. Non, cet Oreste n’est point celui d’Euripide, âme blessée et souffrante, jeunesse flétrie par la fatalité. Tel qu’il est néanmoins ce morceau d’étude, dont la donnée est large et dont l’exécution en marbre offrait, à tous égards, de grandes difficultés qui ont été vaincues, montre des aspirations généreuses. Par endroits il rappelle la grande manière de Coustou, de Coysevox ou de Rude ; il a un air de famille avec les belles œuvres de l’école française.

N’est-il pas digne d’intérêt devoir se développer spontanément des talens qui témoignent que l’art de la sculpture est un art indigène et qui, sans beaucoup compter avec Athènes ou Florence, marchent d’eux-mêmes dans la voie ouverte par des devanciers dont nous nous faisons gloire. Les statues des rois couchés morts sur les tombeaux de Saint-Denis, les sculptures décoratives du règne de Louis XIV, le groupe du Départ à l’Arc de l’Étoile, sont des œuvres indépendantes et fortes qui montrent que notre pays, par une grâce héréditaire, produit toujours de vaillans tailleurs d’images qui semblent tout devoir aux influences du ciel natal. M. Crauck, M. Hiolle, M. Schœnewerk, Bont bien de cette race qui par le franchement la langue maternelle. Et l’on peut dire en résumé qu’au