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de l’homme ; il a partout supprimé l’esclavage comme une injustice et même sous la forme plus douce du servage et de la sujétion héréditaire.

« L’idée antique de l’état embrasse la vie tout entière de l’homme dans la religion et le droit, les mœurs et les arts, la culture et la science. Le sacerdoce est unie fonction de l’état. La liberté de penser est au moins incomplète… — L’état moderne a conscience des bornes de son pouvoir et de son droit… Il renonce à dominer la religion et le culte et en laisse le soin aux églises et aux individus ; le sacerdoce est une fonction de l’église. Il ne prétend pas non plus être une autorité dans les arts et dans les sciences. Il estime et protège la liberté d’examen et d’opinion.

« Le pouvoir de l’état antique a un caractère absolu. — Le pouvoir de l’état moderne est restreint par la constitution.

« Dans la république antique, la cité se manifeste dans de grandes assemblées (ecclesia, comitia), qui décident elles-mêmes des affaires publiques. — L’état moderne est surtout représentatif. Au lieu de ces masses assemblées, nous avons un corps choisi par les citoyens, représentant la nation et bien plus capable d’étudier les lois, de décider, de contrôler.

« Les états helléniques sont essentiellement des états urbains, des cités (polities). Rome, état urbain, est devenue maîtresse du monde… — Les états modernes sont essentiellement des états de nation (Volksstaaten). La ville n’est plus qu’une commune de l’état au lieu d’en être le noyau.

« L’état ancien se trouve bien limité au dehors par la résistance des autres états ; mais c’est en fait seulement, ce n’est pas en vertu du droit international. Rome poursuivait sans scrupule l’empire du monde, comme un privilège naturel. — L’état moderne reconnaît le droit des gens comme une barrière qui protège l’existence et la liberté de tous les peuples, il repousse la domination universelle d’un état sur tous les autres[1].

« L’état féodal repose sur la communauté de la croyance ; il demande l’unité de la foi. Les incrédules et les hérétiques n’ont aucun droit public. On les poursuit, on les extermine ; tout au plus les tolère-t-on… L’église dirige l’éducation de la jeunesse et étend son autorité sur la science elle-même. — L’état moderne ne considère pas la religion comme une condition du droit. Le droit privé et le droit public sont pour lui indépendans de la foi… L’église n’a plus que l’éducation religieuse. L’école est l’école de l’état. La science est affranchie de l’autorité religieuse, et l’état protège sa liberté.

  1. Voilà une proposition difficilement conciliable avec la théorie de l’empire universel.