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l’Autriche selon l’esprit de la paix de Berlin. Tout semble bien fini en effet, les conditions sont acceptées à Constantinople comme à Vienne, le traité est ratifié ; mais aussitôt voilà l’imprévu qui se montre de nouveau ; dès le premier pas les tiraillemens, les difficultés recommencent. On a oublié de s’entendre sur quelques points essentiels. De qui les consuls étrangers résidant dans les provinces occupées devront-ils désormais recevoir l’exequatur ? Est-ce du souverain ottoman, est-ce du souverain autrichien ? C’est un consul de Russie, à ce qu’il paraît, qui a soulevé la difficulté entre le cabinet de Vienne et le divan. Ce n’est pas tout. On s’occupe aujourd’hui, on s’est déjà occupé de réorganiser les églises dans les provinces de Bosnie et d’Herzégovine. Cette réorganisation religieuse ne peut être régulièrement accomplie que par un accord avec le saint-siège, À qui appartient le droit de négocier avec le saint-siège et de sanctionner la nouvelle organisation ecclésiastique ? Est-ce au sultan, qui reste, au moins en principe, le souverain diplomatiquement reconnu des deux provinces ? Est-ce à l’empereur d’Autriche, chargé d’une occupation militaire et administrative qui équivaut à une prise de possession ? Ici encore Vienne et Constantinople paraissent avoir fort à faire pour se mettre d’accord. Au fond, c’est la question de souveraineté qui renaît et s’agite sous toutes les formes, qui visiblement n’a pas dit son dernier mot.

On a pu croire aussi que tout allait finir dans la région des Balkans, avec le départ des Russes qui opèrent lentement leur retraite, et il y a eu en effet pendant quelques jours tous les signes d’un arrangement à peu près régulier, du moins conforme au traité de Berlin, La Bulgarie indépendante a élu son chef, le prince Battemberg, qu’elle attend encore, qu’elle se dispose à recevoir. La Porte, de son côté, a envoyé dans cette autre Bulgarie qui s’appelle Roumélie orientale un gouverneur général, Aleko-Pacha, chargé de présider, avec le concours de la commission européenne, à l’administration de la nouvelle province dotée d’un statut d’autonomie. Jusque-là tout s’est passé fort pacifiquement ; mais à peine Aleko-Pacha, qui pour les Bulgares, est le prince Vogoridès, a-t-il eu fait sa première étape, les difficultés ont commencé, et elles se sont manifestées sous une apparence au moins bizarre. Il y a eu ce qu’on pourrait appeler la question du chapeau ! Aleko-Pacha ou le prince Vogoridès, comme on voudra le nommer, à sa première entrevue avec les délégués de la Roumélie envoyés pour le recevoir, a été aussitôt mis en demeure d’abandonner le fez, signe de la domination turque, et il ne paraît pas s’être fait beaucoup prier : il a voulu plaire à ses nouveaux administrés, il a mis de côté le fez turc, il a couvert sa tête du kalpak bulgare, malgré les instructions qu’il avait emportées de Constantinople et les promesses qu’il aurait, dit-on, faites au divan.

À son arrivée à Philippopoli, autre difficulté. S’il a eu la pen-