Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 33.djvu/977

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ques années, de tous ces incidens qui passent, de ces transformations qui s’accomplissent à travers des péripéties toujours nouvelles, personne ne peut le prévoir. L’essentiel est d’avoir une diplomatie attentive, une politique suivie, que l’imprévu ne puisse ni surprendre ni déconcerter.

L’Italie, quoique née d’hier à la vie diplomatique et européenne, a certes ses intérêts dans ces mêlées de l’Orient ; elle en est souvent préoccupée, et il y avait récemment encore à Rome une entrevue d’un comité grec formé sous les auspices du vieux et généreux Mamiani avec le président du cabinet, M. Depretis. Le chef du cabinet a montré une grande mesure, il a combattu surtout l’opportunité d’une discussion parlementaire sur des questions qui sont un objet de négociation entre toutes les puissances. Le fait est que quelques discours de plus en faveur de la Grèce, n’aideraient pas beaucoup le ministère et que pour le moment le parlement de Rome est assez occupé de débats intérieurs qui ont certes leur intérêt pour l’Italie. Le parlement de Rome est en effet tout entier depuis quelques semaines, à de minutieuses et inépuisables discussions sur les finances, qui divisent le sénat et la chambre des députés, sur les chemins de fer qui intéressent tout le monde, sur les malheureuses affaires de la ville de Florence, à laquelle l’état doit une indemnité sans cesse ajournée et disputée. Il y a à examiner, à voter tout un système de nouveaux chemins de fer que le gouvernement a proposé aux chambres, et en Italie comme partout, ce genre de projets ou de discussions a le don de mettre en mouvement tous les intérêts locaux. Chacun plaide pour sa province, pour sa ville et même pour son village. Avouons que, si quelquefois on parle abondamment à Versailles, on parle encore plus à Rome, puisqu’à une date toute récente, après plus de quinze jours de débat, il restait plus de cent cinquante orateurs inscrits ! Quant à l’affaire de Florence, qui est aussi très longuement, très passionnément discutée en ce moment à Rome, il y a, il faut bien le dire, quelque chose de triste dans ces contestations presque cruelles qui se poursuivent sur les ruines d’une ville gravement éprouvée.

De quoi s’agit-il après tout ? Lorsqu’il y a quinze ans, par suite de la convention du 15 septembre 1864, Florence se trouvait choisie à l’improviste comme la capitale du royaume, comme une étape, si l’on veut, entre Turin et Rome, elle cédait à l’ambition assez naturelle de se renouveler, de se transformer. Elle voulait faire honneur à son titre de capitale et par degrés elle s’engageait dans cette grande et coûteuse métamorphose sous la direction des chefs de sa municipalité, d’hommes tels que M. Cambray-Dighy, M. Peruzzi, qui étaient certes des administrateurs expérimentés autant que des patriotes dévoués. Ceux qui dirigeaient cette vaste entreprise sans craindre d’imposer à leur ville des dépenses considérables ne renonçaient pas eux-mêmes, comme Italiens, à l’idée d’avoir Rome pour capitale ; mais ils croyaient qu’avec un séjour