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impardonnable fanatisme : on veut nous ramener au moyen âge, nous ne le souffrirons pas ! Peut-être fallait-il excuser de la sorte, et par une bourde si violente, l’arrestation de l’archevêque, dont Paris, même le Paris de la fédération, avait été stupéfait. On disait et l’on répétait bien haut que le peuple avait le droit, avait le devoir de prendre ses sûretés contre les jésuites et les monarchistes qui l’attaquaient à coups de médailles « dentelées sur les bords. » On dut en rire, à l’Hôtel de Ville, entre pontifes ; mais dans les bataillons fédérés on n’en plaisantait pas, et on affirmait très sérieusement que Versailles se mettait au ban de l’humanité. On arrêtait les prêtres et l’on fermait les églises, toujours au nom de la liberté de conscience. Du 1er au 18 avril, vingt-six églises sont closes ; interdiction d’y faire le service religieux ; en revanche, on y établit des clubs, et du haut de la chaire on débite des balourdises et des impiétés. Le 3 mai, j’ai été par curiosité assister à l’inauguration du club de la révolution sociale dans l’église Saint-Michel à Batignolles. J’ai rarement vu un spectacle plus bête. Beaucoup de femmes, quelques hommes affectant de garder leur chapeau sur la tête : on fumait, on crachait ; des enfans piaillaient, des membres de la commune, ceints de l’écharpe rouge, faisaient les importans au banc d’œuvre. Quatre citoyens, assis autour d’une table placée précisément en face de la chaire, représentaient le bureau. Le président sonna et resonna pour obtenir un peu de silence : La séance est ouverte. L’orgue entonna la Marseillaise, que tout le monde accompagna à l’unisson ; voix criardes des femmes, basses profondes des hommes, voix glapissantes des enfans : un charivari. Successivement quatre orateurs se montrèrent dans la chaire, à laquelle on avait suspendu une grande loque rouge qui flottait sinistrement à la lueur des lampes : « Au lieu de paroles de mensonge et d’abrutissement, vous allez entendre des paroles de vérité et d’émancipation. » On applaudissait ; quelques goguenards buvaient de la bière derrière le bénitier tout en fumant leur pipe. Un d’eux cria : En avant la musique ! L’orgue joua le Chant du Départ, et l’assemblée se mit à braire de plus belle. On orateur se démenait : « Il y a assez longtemps que nos oppresseurs font la nuit autour du peuple, du peuple sans lequel ils ne seraient rien. Je demande de la lumière ; il faut que chacun de nous connaisse ses droits et les fasse respecter ; notre tour est venu ; la clé de voûte du monde moderne, c’est le prolétaire ; aussi je propose que les séances du club de la révolution sociale soient quotidiennes. » Approuvé. — « Demain, on traitera d’une importante et grave question qui appelle la méditation de tous les patriotes : La femme par l’église et la femme par la révolution. » Approuvé. — L’orgue infatigable