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sont propres, par exemple les cellules à cils vibratiles continuer de mouvoir en cadence les cils dont chacune est munie. » En temps normal, chaque société atteint un certain maximum de développement et de perfection relative, qui exprime tout ce que ses énergies propres peuvent fournir ; elle oscille pendant un certain temps autour de cet état limite, puis décroît ou est absorbée par une société d’une énergie supérieure, qui a atteint un type plus haut de civilisation. M. Berthelot comparait récemment cette évolution des sociétés humaines à celle des cités animales, et en particulier à celle de plusieurs fourmilières dont il avait suivi depuis des années, dans le bois de Sèvres, la naissance, le développement, la décadence. Il se demandait en terminant si l’humanité, après avoir dépensé la provision d’énergie physique et intellectuelle compatible avec ses organes, après avoir ainsi atteint son état-limite, n’aurait pas le sort de ces espèces animales qui aujourd’hui ne font plus de progrès et se répètent indéfiniment elles-mêmes en attendant qu’elles disparaissent ; peut-être l’humanité disparaîtra-t-elle à son tour sous l’effort de la nature brute ou au profit de quelque espèce supérieure.

Ainsi les objections n’ont pu jusqu’ici ébranler ce principe, que tous les caractères purement physiologiques de la vie, — concours des parties, spontanéité des mouvemens, finalité même, enfin développement et décadence, — se retrouvent à un degré supérieur dans les sociétés animales ou humaines. Nous admettrons donc que celles-ci constituent, au point de vue exclusif et objectif de l’histoire naturelle, de véritables organismes physiquement analogues aux organismes vivans. Cette analogie persistera-t-elle si nous passons de l’ordre physique à l’ordre psychologique et moral ?


II

La différence psychologique n’est pas aussi grande qu’elle le semble au premier abord entre les sociétés et les organismes, entre l’objet de la science sociale et l’objet de la biologie. Ceux qui veulent établir une distinction tranchée entre les deux sciences font observer que ce qui caractérise une société véritable, c’est l’échange des sentimens ou des pensées entre ses divers membres, c’est-à-dire leur commerce psychologique, tandis qu’entre les membres d’un corps vivant, il y a seulement une connexion et un commerce physiologique. Mais, selon nous, ce sont là deux choses inséparables. Tout porte à croire que, dès qu’il y a organisation et vie, il existe entre les parties de l’être vivant un certain échange de sensations, de représentations ou d’actions. En effet, les parties élémentaires d’un être vivant ne sont pas inertes et absolument insensibles ;