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vérité le langage d’hommes animés de bien peu de foi ou bien impatiens de profiter du succès pour fonder une domination de parti. Que l’état garde son autorité légitime et sa force, son droit de contrôle et de direction supérieure, de répression au besoin, rien de plus politique sans doute. La société elle-même, la société moderne dans son en semble, n’en est pas sûrement à courir les dangers dont on la menace, à s’effrayer d’un spectre noir, à sentir la nécessité de mesures d’exception, dont les esprits les plus distingués du parlement sont les premiers d’ailleurs à désavouer la pensée. Qu’on parcoure l’histoire du siècle qui va bientôt s’achever : c’est notre histoire !

Cette société française qui est née du mouvement tout-puissant de 1789, elle n’est probablement pas en déclin ; elle n’a cessé à travers tout de se développer, de grandir et de se consolider. Elle a eu, il est vrai, ses épreuves de toute nature et en tous les sens, tantôt par les coups d’état d’autorité, tantôt par les coups d’état de la sédition ; elle en est sortie victorieuse et mieux affermie. Elle a triomphé de ses adversaires et même souvent de ses compromettans amis. Elle a fini par avoir ses lois, ses mœurs, ses caractères, son organisme indestructible. on parle toujours des crises possibles, des 16 mai passés ou futurs contre lesquels il faut se prémunir ; ce qui est certain, c’est que depuis longtemps les 16 mai n’ont pas de bonheur, et leurs mauvaises fortunes ne prouvent pas, ce nous semble, la nécessité de se retrancher dans la forteresse des mesures exceptionnelles. M. Léon Renault, qui a combattu l’article 7 avec une vive et ferme éloquence, l’a dit en quelques paroles expressives : « Il suffit qu’un parti inscrive sur son drapeau le mot de contre-révolution pour que je ne craigne rien de lui… La révolution, elle est attestée par les bornes du moindre de nos champs ; elle est tout entière passée dans nos cœurs. Je défie qui que ce soit de dire à la France un mot qu’elle comprenne, qu’elle écoute, s’il n’est emprunté à la langue de la révolution française… » Ce que M. Léon Renault a dit, M. Bardoux l’a dit aussi sous une autre forme, avec un accent d’intelligente confiance : « Je suis de ceux qui croient que la démocratie française est aujourd’hui tellement puissante, si profondément assise qu’elle n’a pas à redouter une défaite… » Et cette démocratie française, elle est d’autant plus forte qu’elle est plus libérale, plus modérée, plus ouverte à toutes les émulations généreuses, aux croyances et aux opinions libres, qu’elle songe moins à être le règne d’un parti, à se mettre à l’abri des restrictions et des prohibitions, qui n’ont du reste jamais rien empêché.

Que peut-on craindre sérieusement ? Cette revendication de la liberté de l’enseignement n’est, dit-on, qu’une tactique de la part du cléricalisme, de la part de ceux qui ont ce mot d’ordre de a contre-révolution » dont parlait récemment M. Léon Renault ; ce n’est qu’une manœuvre de dangereux ennemis. C’est bien possible que ce soit une