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germaient à la fois, qui, avec notre grande école de poésie, constituent le caractère de ce demi-siècle, et lui établissent des titres à l’estime des temps qui vont suivre. »

Quel était donc le caractère de ce premier demi-siècle dont le demi-siècle suivant devait tant s’éloigner ? C’était l’amour des idées générales, un esprit de conciliation et de large impartialité, la prédominance de l’esprit littéraire sur l’esprit scientifique, la préoccupation des intérêts de l’humanité, le goût de l’idéalisme et du spiritualisme en littérature comme en philosophie, et en général l’enthousiasme et la croyance, ou du moins le doute mêlé de foi et d’espoir. La seconde moitié du siècle semble devoir se caractériser par des traits bien différens : l’amour des faits, la prédominance de l’esprit scientifique, l’esprit critique, le goût de la réalité dans les arts et dans la poésie, la négation plutôt que le doute, en un mot, un certain esprit de sécheresse qui indique la maturité, tandis que l’ouverture généreuse est le propre de la jeunesse. Cet esprit de générosité fut donc le trait distinctif de la première moitié de notre siècle, et Dubois en a toujours conservé l’empreinte.

Dans ces premières années de l’Université, la carrière se faisait d’une manière irrégulière et inégale. En sortant de l’École, Dubois fut envoyé dans un petit collège communal, à Guérande en Bretagne. Trois ans plus tard, il était dans une faculté, à Besançon. Dans l’intervalle, pendant la crise de 1815, il avait pris les armes comme fédéré, pour défendre la cause de la pairie et de la révolution. Dans sa chaire de Besançon, la nouveauté de son enseignement et l’ardeur de sa parole eurent un vif succès. Il le raconte lui-même à son ami Damiron dans une lettre inédite, dont M. Vacherot nous a donné quelques fragmens : « Jeune, inhabile, mais ardent, vivant dans la solitude la plus absolue, retiré dans une jolie maison, sur la montagne, à une demi-lieue de la ville, au milieu des fleurs, des cascades, des sites ravissans, mes douleurs et quelques jeunes rêves de gloire ; tombant de là dans ma chaire, inspiré de mes devoirs, de je ne sais quel enthousiasme de prosélytisme, de science et de liberté, ma parole obtint un retentissement jusque-là inconnu… Plus de deux cents auditeurs se pressent âmes leçons. J’y touche à tout ; car l’histoire de notre littérature et de nos grands hommes, c’est pour moi l’histoire de la religion, des mœurs, des institutions politiques… et je m’essaie à prendre là ce dégagement de tout esprit de parti, cette tolérance, cette impartialité, qui, je l’espère, ne seront pas sans influence sur le reste de ma vie. »

De Besançon, Dubois passa à Paris au lycée Charlemagne comme professeur de rhétorique, où il eut Sainte-Beuve pour élève. Ce fut là que la persécution vint le chercher en 1821, lors de la