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n’avait pas dans la loi ; c’était en outre imposer à un culte dissident des obligations spéciales contraires au principe de l’égalité devant la loi. Cette cause, plaidée avec éloquence par l’avocat Crémieux, fut gagnée devant la cour de Nîmes, et, comme dans l’affaire des louisets, le principe de la liberté religieuse fut sauvé par la magistrature. Il en fut de même dans une cause où était encore engagée la liberté philosophique, celle de M. de Senancour, poursuivi pour son livre des Traditions religieuses. On voit, par ces divers exemples, soit qu’il échouât, soit qu’il aboutît, où tendait le gouvernement de la restauration. Nous représenter, comme on le fait souvent, ce temps comme l’idéal d’une société libérale est une singulière illusion d’optique. Ce régime retournait peu à peu à tout ce qu’on avait détruit. Ce qu’il y eut de libéral alors ne venait pas de la restauration, mais de la révolution ; cet esprit libéral qui, à distance, fait la gloire de la restauration, est à l’honneur de ses adversaires : elle le subissait en frémissant ; elle essayait de le dissoudre et de le tourner ; enfin elle voulut le détruire d’un coup, et elle fut vaincue dans cette lutte ; qui pourrait le regretter ?

Dubois était de ces libéraux que l’on a appelés chevaleresques, et qui voudraient la liberté non-seulement pour leurs adversaires, mais encore pour ceux de leurs adversaires qui nient la liberté même. Victime de la réaction religieuse et jésuitique, il ne craignit pas de défendre les jésuites. Aussi, lorsque le célèbre Montlosier publia son Mémoire à consulter, dénonçant à toutes les cours royales l’institut des jésuites comme coupable d’une conspiration latente contre l’autorité du roi et les traditions du royaume, Dubois s’opposa à cette campagne : il demandait que l’on poursuivît les jésuites s’il y avait des faits criminels à leur imputer, mais qu’à défaut de ces faits on s’abstînt d’un procès de tendance et de doctrine. Le parti libéral invoquait dans cette affaire un principe des plus dangereux, le principe même de la religion d’état. « Si l’état est catholique, disait-on, il a le droit de défendre la pureté de la religion contre des altérations et des falsifications qui la détruisent. » Dubois n’avait pas de peine à montrer le péril d’une semblable argumentation et soutenait avec raison qu’en invoquant un tel principe le parti libéral se livrait lui-même à toutes les tyrannies. Même en 1828, lors des fameuses ordonnances de M. de Vatimesnil, Dubois protesta encore contre l’obligation inquisitoriale du serment imposé aux congrégations non autorisées. Ces indépendances de Dubois ne furent pas très bien vues de quelques-uns de son parti, qui l’accusèrent, les uns de naïveté, les autres presque de trahison ; mais elles prouvent à quel point il avait pris au sérieux le grand principe dont il s’était fait le défenseur.