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Lorsque nous relisons cet admirable article sur la France et les Bourbons, qui est aujourd’hui une page d’histoire, ce qui se dégage pour nous de ces pages ardentes où l’auteur avait mis toute son âme, ce n’est pas, comme on pourrait le croire, le sentiment de la colère et de l’indignation contre un gouvernement aveugle, c’est le sentiment de la douleur. L’idée que l’auteur désire la révolution qu’il annonce ne ressort point du tout de ce qu’il dit ; la volonté de concourir à cette révolution, de la préparer et de l’accélérer est démentie à toutes les lignes. Ce que l’auteur dénonce avec chagrin, avec désespoir, c’est le désaccord de la nation et de la royauté. Ce désaccord, il suffit de vouloir pour le faire cesser. Le roi ignorait, et on le lui cachait comme il arrive toujours, les vrais sentimens du pays. Lui faire comprendre ces sentimens, lui apprendre à quel point ils étaient profonds, quel danger il y avait à les braver, tel fut l’objet que Dubois se proposait dans son article. Qu’il fût en cela agréable au gouvernement, qu’il contrariât les desseins de ceux qui voulaient en finir avec la charte, et sacrifier la nation à la royauté, rien de plus naturel ; mais qu’il ait outrepassé les droits de la liberté, c’est ce qu’aucun lecteur désintéressé ne saurait admettre.

L’accusation s’était d’ailleurs donné le tort d’une exagération par trop ridicule en accusant l’auteur de l’article « de provocation à un attentat contre la vie et la personne du roi. » Dubois accusé de régicide ! C’était vraiment une gageure un peu forte. C’était pousser bien loin l’hyperbole permise au ministère public dans les procès politiques. Dubois avait bien le droit de hausser les épaules et de répondre sur ce point avec mépris : Quelle pitié ! Il n’en était pas de même de la provocation à changer et à détruire le gouvernement : c’était tout le procès, mais au fond c’était le procès de la restauration elle-même. L’article en était l’histoire abrégée, ramenée à ces deux idées fondamentales : toutes les fois que la dynastie avait penché du côté de la contre-révolution, son existence avait été menacée ; au contraire elle avait toujours été sauvée par la liberté. Tout le morceau reposait sur la preuve historique de ces deux vérités : première restauration avec ses prétentions rétrogrades ; chute des cent jours ; — seconde restauration avec sa réaction violente et cruelle ; menace pour le trône, qui se sauve lui-même par l’ordonnance libérale du 5 septembre, — ministère réactionnaire de Villèle, sombres jours, opinion menaçante ; retour à la sincérité et à la confiance par le ministère Martignac. Ainsi trois tentatives de contre-révolution, la première avec punition immédiate, les deux autres avec résipiscence et retour vers le pays : voilà ce qu’apprenait le passé. Or on était en face d’une quatrième tentative de contre-révolution. Qu’allait-il arriver ? C’est ici que se