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juge d’instruction ; Gois a présidé la cour martiale ; le colonel Ledrux a été gouverneur du fort de Vanves ; Goullé a été chef d’escadron d’état-major ; Mortier, du comité central, était délégué à la mairie du XI° arrondissement ; A. Moreau était secrétaire général à l’inspection des ambulances ; Constant Martin a été secrétaire général à la délégation de l’enseignement, et Granger a fourni les fonds à l’aide desquels Blanqui organisa le complot de la Villette qui permit à Emile Eudes de se distinguer sans retard en assassinant un pompier.

Les contumax qui ne partagent pas les opinions du groupe de la commune révolutionnaire dont Eudes est le chef, — le dictateur, — ne furent point satisfaits de ce manifeste, que l’on jugea peu politique et fort intempestif. Il y eut du bruit dans le Landerneau de la « proscription » et l’on fut très mécontent de voir ainsi mettre imprudemment au jour les projets que l’on mûrissait, et dont il était inutile de faire part aux réactionnaires. Gabriel Ranvier, La Cécilia, Cluseret, s’en mêlèrent et traitèrent « le général » Eudes avec fort peu de déférence ; Vermesch dit un mut assez drôle : « Ils sont trente-trois dans la commune révolutionnaire, c’est fâcheux ; s’ils étaient quarante, on y chercherait Ali-Baba ! » D’une lettre écrite à propos de cette proclamation par un homme qui a joué un rôle important sous la commune, j’extrais le passage suivant : « Le programme des trente-trois est la fusillade et l’incendie… en paroles ; leur but, faire peur aux bonnes d’enfans ; le résultat, le seul du moins appréciable, le ridicule et l’odieux jetés sur toute la proscription de 1871. Ce résultat leur est-il payé, ou n’est-il dû qu’à leur outrecuidante sottise, c’est ce que l’avenir nous apprendra. » Je trouve cette lettre sévère ; Eudes et ses acolytes racontent simplement ce qu’ils ont fait, pour mieux dénoncer ce qu’ils feront. Ils ont eu toute la commune pour complice, du 22 au 28 mai ; ils ont la bonne foi de le dire, c’est maladroit, j’en conviens, mais ceux qui les blâment aujourd’hui ne les ont point blâmés lorsqu’ils mettaient leur programme en action par « la fusillade et l’incendie. »

Les hommes qui ont rédigé ce manifeste sont des blanquistes et des hébertistes, — des hommes d’action, — comme ils aiment à s’appeler eux-mêmes. En dehors d’eux s’est formé un groupe d’apparence plus pacifique, composé d’économistes, qui cherchent à découvrir par la discussion la solution du problème social. Ceux-là aussi, il convient de les écouter, car ils disent parfois des choses très divertissantes. Ah ! le vieux monde n’a qu’à bien se tenir, car, avec de pareils cadets, il n’en a plus pour longtemps. Les théories sont à l’étude, les formules sont prêtes ; lorsque l’on reviendra, on aura dans sa poche le code de l’avenir, le code de la félicité