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dans les régions de l’isthme américain indiquées par A. de Humboldt trois grandes expéditions commandées par les officiers les plus distingués de sa flotte, ayant sous leurs ordres un personnel d’élite, nombreux, discipliné et muni des instruments nécessaires aux opérations multiples qu’ils devaient pratiquer. La première était sous la direction du commandant Shufelt pour l’exploration du Tehuantepec ; la seconde fut confiée au commandant Selfridge pour l’exploration du Darien, enfin la troisième fut mise sous les ordres du commandant Lull pour l’exploration du Nicaragua ; puis un congrès, composé des plus grandes notabilités américaines, fut nommé à Washington afin d’examiner les études faites et de se prononcer en faveur dix meilleur projet.

Ce congrès prit l’affaire tellement à cœur qu’à deux reprises différentes, en 1871 et 1873, il renvoya les explorateurs à leur tâche pour examiner jusqu’aux tracés les plus dédaignés, ne voulant se prononcer qu’en connaissance de cause. Après de sérieuses méditations, le congrès rejeta d’abord la coupure de l’isthme par le Tehuantepec comme irréalisable. Puis il envoya un certain nombre de ses membres au Darien et au Nicaragua pour vérifier de nouveau les travaux des explorateurs. Enfin, en 1875, il rendit un verdict solennel par lequel il déclara que le tracé par le Nicaragua présentait seul des chances de réussite.

Nous n’avons pas sous les yeux les détails des travaux que fit sur le Tehuantepec le commandant Shufelt, ni les raisons qui lui firent rejeter le tracé favori de Fernand Cortez, mais nous savons, par les études du général du génie don Juan Orbegoso, que le principal fleuve du Tehuantepec, le Guazacualco, n’est navigable pour les bâtimens de mer que jusqu’à dix lieues dans l’intérieur, — que le Chimalapa, destiné à former la section méridionale, n’est praticable pour les pirogues que pendant la saison des pluies seulement, — que ce dernier fleuve, à sec pendant les deux tiers de l’année, ne peut conséquemment alimenter le versant de l’Océan-Pacifique, — que la hauteur de l’arête centrale, formée par une petite cordillère dont les deux cols les plus favorables sont l’un à 393, l’autre à 251 mètres au-dessus du niveau de la mer, permettrait difficilement d’emprunter les eaux du Guazacualco pour suppléer à l’insuffisance de celles du Chimalapa, — enfin, que la rade de Tehuantepec, ensablée, ouverte, est de plus en plus abandonnée par l’Océan et présente des difficultés à peu près insurmontables à l’établissement d’un canal de grande navigation dans cette partie de l’isthme.

Le plus grand obstacle eût été l’absence de ports sûrs et spacieux à chacune des extrémités du canal. L’embouchure du Guazacualco, obstruée par une barre et accessible seulement par un fond de 3m,80, n’offre aucun abri contre les vents du nord qui s’y