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naturels du sol : on fait une vaste tranchée, presque une petite vallée au fond d’un thalweg où coule une rivière torrentielle, et cela dans un pays où il pleut huit mois de l’année ! .. »

Nous ne pouvons malheureusement suivre M. Ribourt dans le curieux développement des obstacles qu’il a, en présence du congrès, opposé à l’exécution du projet de MM. Wyse et Reclus. Le moindre ne sera pas l’énorme quantité de dynamite qu’il faudra employer pour faire sauter 31 millions de mètres cubes de dolérite[1]. Tout le monde ne sait pas qu’on ne peut fabriquer la dynamite par une température de 25 degrés ; s’il est nécessaire de manipuler sur lieu ce terrible engin, il faudra refroidir les usines avec des machines à glace pour les maintenir à 15 degrés de température constante. Croit-on que cela sera bien aisé dans un pays où la température moyenne est de 36 degrés ? M. Lavalley a appelé l’attention de la commission sur les difficultés immenses que présenteraient des travaux de déblais à exécuter dans la vallée torrentielle de Chagres, sur les embarras presque insurmontables pour faire ces travaux à sec, le seul moyen possible cependant. Un autre membre a déclaré qu’il y avait là un inconnu dont il fallait tenir compte, en se rappelant l’importance des crues du Chagres et par conséquent des irruptions de ce torrent. Cet inconnu augmenterait surtout par la suppression du tunnel primitivement projeté en raison des prix des tranchées qu’il faudrait faire.

À ce propos, essayons de résumer les observations que nous avons entendu émettre sur le coût d’une tranchée à 90 mètres de hauteur, tranchée qui, au dernier moment, a été préférée à l’ouverture d’un tunnel. On a eu le grand tort de croire que cela n’entraînerait qu’une faible augmentation de dépenses. Il faut cependant tenir compte de ceci : c’est que le talus de 1/10 que la commission a adopté comme base de son calcul présente une verticalité effrayante quand on l’applique à des talus de 90 mètres d’élévation. Ce plan vertigineux ne s’emploie en travaux de chemins de fer que dans les roches calcaires d’une stratification parfaitement horizontale et dans celles dont la compacité est exceptionnelle ; en tout cas jamais dans des tranchées de grande hauteur. La nature des roches qui doivent être coupées à Panama, la dolérite, puisqu’elle forme le centre du massif, ne supporterait pas un tel profil sans exposer le canal à des remblais incessans. Le talus de un de base pour deux de hauteur pourrait être appliqué à la rigueur, et encore dans l’hypothèse que la nature du sol voulût bien s’y prêter, mais alors le talus donnerait un déblai

  1. Un kilog. de dynamite par mètre cube, à 5 fr. le kilo, soit 155 millions de francs.