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dernier voyage. Elle avait au-dessus d’elle lady *** qui a de fort beaux yeux, mais qui m’a paru bien raide. Nous avons ici X qui profite de ce que sa femme est grosse pour aller se promener tout seul. Is it not a shame ? Il dit que votre reine a trouvé l’empereur et l’impératrice the pleasantest people she ever saw. Nous lui préparons une réception brillante, mais je crains que les Parisiens ne soient pas aussi polis pour elle que vous l’avez été pour l’empereur. On nous dit que sa majesté craint beaucoup la chaleur, et l’on s’occupe à préparer à l’Hôtel de Ville des cascades de punch à la romaine et de crème glacée dans l’espoir de rafraîchir les appartemens. Le jury de l’exposition m’oblige à rester ici une partie de l’été. Ensuite, je ne trouve pas de gens amusans et oisifs qui veuillent prendre soin de moi et m’emmener quelque part. Si vous étiez venue à Paris, j’aurais été forcé d’aller en Allemagne ou en Italie, et cela m’aurait fait du bien. Ici je m’ennuie à la mort, je n’ai plus de goût pour rien et je me fais mal aux yeux à force de lire, encore m’arrive-t-il souvent de lire vingt pages sans savoir ce qu’elles contiennent. J’ai le spleen, c’est vous dire que, lorsque vous voudrez mettre du noir sur votre joli papier rose, vous ferez une bonne action. Je viens de publier un volume, mais je ne vous l’envoie pas, parce qu’il n’est pas bon pour les dames. C’est un commentaire sur une satire du commencement du XVIIe siècle, par Agrippa d’Aubigné. Voyez où j’en suis réduit pour tuer cet ennemi cruel qu’on appelle le temps. Adieu, madame, veuillez me mettre aux pieds-de lady *** que vous appelez très bien presty lady ; il y a en elle quelque chose qui me plaît beaucoup et aussi quelque chose qui me repousse. Je n’ai jamais pu démêler ce que c’était. J’ai demain l’humiliation de donner du thé jaune à une grande quantité de demoiselles. Adieu encore, madame. Je vous souhaite toute sorte de prospérité et de plaisirs. »


« Paris, 1er janvier 1856.

« Madame, je suis dévoré de remords en songeant depuis combien de temps je vous dois une réponse à une très aimable lettre ; j’y ai pensé bien souvent, mais je me sentais toujours si maussade et si triste que je craignais de vous trop ennuyer. Je viens de terminer mes visites officielles, d’ôter un habit tout d’or qui vous ferait mourir de rire, et je veux commencer l’année par vous demander pardon et vous expliquer pourquoi je ne suis pas allé vous faire visite l’automne passé, comme j’en avais eu l’espoir un instant. Le fait est qu’il s’agissait d’un mariage. Non pas du mien, mais du mariage d’un de mes amis qui me destinait l’emploi de… comment appelez-vous le masculin de brides maid ? Je suis toujours fort triste de voir un mariage, mais j’aurais eu pour compensation le plaisir de causer un peu avec vous de toutes les misères humaines