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Sur l’Océan il faut signaler d’abord le changement de l’embouchure de l’Adour, qui a dû se jeter autrefois à Cap-Breton, beaucoup plus au nord qu’aujourd’hui. De l’Adour à la Gironde nous sommes en face d’une région de dunes qui séparent de la mer les étangs formés par les cours d’eau se dirigeant vers le littoral. Seul le bassin d’Arcachon a conservé ses communications avec l’Océan. Les eaux douces ont donc remplacé dans les étangs l’eau salée des anciennes baies que les dunes ont fermées. Ces dunes se sont accumulées sur d’antiques forêts, détruites au moyen âge et qui servaient, comme en Hollande, de remparts contre la mer. Quand on s’est mis de nos jours à planter les dunes pour les fixer, on n’a fait que revenir à la méthode naturelle dont le souvenir s’était conservé dans la tradition. C’est pourquoi, et bien que les dunes poussées par les flots et les vents aient empiété sur la terre ferme, il serait inexact de dire que dans la haute antiquité la terre s’étendait beaucoup plus loin qu’aujourd’hui sur le fond recouvert maintenant par la mer. Il serait plus conforme à la réalité de penser que le littoral ancien se confondait avec la rive orientale des étangs actuels.

En avançant toujours vers le nord, nous rencontrons l’ancienne île d’Antros, qui s’est appelée ensuite le Médoc, qui est aujourd’hui réunie au continent et qui, sur des cartes du XVIe siècle, encore représentée sous forme insulaire. La Gironde avait donc aussi son delta et se jetait dans la mer par deux branches.

A partir de là, nous trouvons un double mouvement, d’abord de la mer aux dépens de la terre, puisque le rocher de Cordouan, l’île d’Aix et très probablement celle de Ré, étaient rattachés au littoral actuel ; puis de la terre vers la mer, en ce sens que, dans les anciens golfes de Saintonge et du Poitou, bien des bas-fonds sont devenus terres arables, bien des îles ne sont plus que des éminences et maint port de mer d’autrefois est devenu ville ou bourgade de l’intérieur. Niort fut un jour une île de la mer, tandis que, de nos jours, Noirmoutiers à marée basse ressemble fort à une presqu’île. Les embouchures de la Loire ont aussi subi de très grandes modifications. Il y eut un temps où ce fleuve arrivait à l’Océan par deux branches, l’embouchure actuelle et un bras qui, après avoir formé tout un lac parsemé d’îles, se déversait dans la mer par un émissaire aujourd’hui desséché qui passait à 10 kilomètres environ de Guérando. Le Croisic et l’emplacement de Batz étaient des îles. On parle encore aujourd’hui dans le pays de l’île de Batz. Les bouches de la Loire baignaient donc un véritable archipel. C’est à Batz qu’il faut placer selon toute apparence l’île des femmes Namnètes et à Brandu la légende des deux corbeaux fatidiques.