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l’ancienne Aquitaine quatorze cités, dont douze situées entre Garonne et Loire : ce qui constitua une Aquitaine très agrandie, et c’est une cause d’erreurs fréquentes en histoire. Parmi ces cités adjointes, nous remarquons les Nitiobriges (Agenais), les Rutènes (Rouergue, Rodez, Albi), les Gabales (Gévaudan), les Arvernes (Auvergne), les Lémovices (Limousin), les Santones (Saintonge), les Pictones (Poitou), les Bituriges Cubes (Berry). On voit combien les noms de nos anciennes provinces sont, pour la plupart, calqués sur ceux des vieux cantons gaulois. Il en est de même des noms de cité de nos anciens chefs-lieux qui finirent, en beaucoup d’endroits, par supplanter ceux que la colonisation romaine leur avait donnés ou ceux même qu’ils portaient avant la conquête. Ainsi Lutèce est devenue Paris, la ville des Parisii ; Cesaromagus des Bellovaques s’est changé en Beauvais ; Samarobriva (Pont-de-Somme) se nomme Amiens, la ville des Ambiens ; Mediolanum est redevenue Saintes, la ville des Santones ; Condate, ou confluent des Redones, se nomme Rennes ; Augusta Suessonum, Soissons, etc. Cela suppose que le souvenir des divisions ethniques se maintint sous l’uniformité administrative née de la conquête. C’est un des liens qui nous rattachent à la vieille Gaule.

Parmi les peuples d’entre Garonne et Loire, il en est un, les Bituriges (Berry), qui doit avoir joui pendant quelque temps d’une grande puissance. C’est sous leur roi Ambigat, quelque peu légendaire, que seraient partis Bellovèse et Sigovèse pour leurs expéditions lointaines, et leur capitale Avaricum (Bourges) passait, au temps de César, pour la plus belle ville de la Gaule. C’est l’admiration séculaire dont elle était l’objet qui fit obstacle aux énergiques dessins de Vercingétorix. Le brenn voulait la brûler, et César se fût trouvé dans le même embarras que Napoléon à Moscou.

Entre la Loire et la Belgique, Auguste reconnut vingt-deux cités qui, presque toutes, ont légué leurs noms à des provinces ou à des villes françaises. L’une des plus petites, si ce n’est la plus petite, était celle des Parisii, dont Lutèce était le chef-lieu. Déjà du temps de César on considérait la possession de cette île de la Seine comme d’une suprême importance pour la domination de toute la Gaule septentrionale. Les Parisii entretenaient des rapports très intimes avec les Sénones (pays de Sens), qui étaient plus nombreux et plus forts. Leur dernière ville du côté des Parisii était Melun (Melodunum). Les analogies du vieux Melun et du vieux Paris sont frappantes. Les plus anciens plans de Melun pourraient être pris pour ceux de la Cité. Le vieux Melun était, comme elle, bâti sur une île de la Seine qui affectait aussi la forme d’un navire dont la proue aurait été surmontée d’un château et la poupe d’une église. De même qu’à Notre-Dame de Paris, on a trouvé à Melun des autels