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président de la république et qui était une des raisons de ses succès, cette justesse ne s’est pas toujours montrée dans les détails de ces fêtes. Elle avait été un peu oubliée dans le programme de M. le maire de Nancy, et à coup sûr elle n’était pas non plus l’autre jour avec M. Jules Ferry à la Sorbonne, à cette distribution des prix qui rassemble tous les ans la vive et impatiente jeunesse des collèges. M. le ministre de l’instruction publique n’était point à Nancy avec ses collègues ; mais il a pris sa revanche à la Sorbonne, où il a pu donner libre carrière à son éloquence et soumettre au haut aréopage des jeunes lycéens ses idées réformatrices, ses projets d’émancipation laïque résumés dans l’article 7. M. Jules Ferry était-il dans une réunion universitaire, en pleine fête de famille ? Ne se croyait-il pas encore au contraire à Versailles, dans la chambre des députés ? Ce qui est certain, c’est que l’allocution qu’il a cru devoir prononcer ressemble étrangement à une continuation de ses discours parlementaires, à une défense prolongée, et cette fois sans contradicteurs, de ces projets auxquels il a attaché son nom, qui sont provisoirement arrêtés au seuil du sénat. M. Jules Ferry, parce qu’il a obtenu le vote de la chambre des députés, croit pouvoir assurer qu’il est « plus qu’à mi-chemin de la victoire. » C’est une question qui reste à résoudre ; il faudra voir ! M. le ministre de l’instruction publique n’est peut-être pas aussi sûr de la victoire qu’il le dit, et il montrerait une singulière frivolité d’esprit ou un singulier aveuglement s’il ne voyait pas dès aujourd’hui toutes les difficultés qu’il accumule devant lui, qu’il crée au gouvernement, à la république elle-même. Dans tous les cas, on en conviendra bien, la Sorbonne n’est pas une succursale des chambres législatives, et des déclamations ardentes jetées à de jeunes esprits peuvent sembler assez déplacées de toute façon.

Que M. le ministre de l’instruction publique, grand maître de l’Université, parle des réformes qu’il médite dans les méthodes d’enseignement, de l’esprit qui doit inspirer ces réformes, rien n’est plus naturel. Il aurait pu seulement en parler avec plus de clarté. A dire toute la vérité, M. Jules Ferry a une façon d’aborder ces questions délicates, une manière de les trancher peu faite pour rassurer les hommes de réflexion et d’expérience qui ne sont pas disposés à se contenter de mots et d’illusions. Il a des définitions magistrales qui ne laisseraient pas d’avoir besoin d’être éclaircies. « Consacrer moins de temps à l’étude du latin pour le mieux savoir et en tirer meilleur profit, » — voilà qui est expéditif et qui comprend tout. Le problème est net, il ne reste plus qu’à le résoudre ! Ne plus s’occuper d’apprendre à parler et à écrire les langues anciennes et n’étudier ces langues que pour « en pénétrer le génie, pour conquérir la clé des pensées antiques, pour contempler face à face et sans intermédiaire ce qu’il y a d’exquis et de robuste dans l’esthétique des époques jeunes, » c’est encore, à ce