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et qu’il emprunte à un manuscrit de la bibliothèque Vaticane, paraît être une copie imparfaite d’un original du XIIIe siècle[1]. La ville y est figurée avec une forme elliptique très peu exacte; l’orientation en est fort arbitraire : on lit en haut de la carte le mot oriens; le nord se trouve à gauche du spectateur, et le midi à droite. Le Colisée apparaît au milieu de la carte, couvert d’une coupole hémisphérique, parce que les recensions développées des Mirabilia commencent dès cette époque à raconter, sans aucune raison bien entendu, qu’il en était ainsi : « Colisée, dit la traduction française faite après l’expédition de Charles VIII, en 1499, a été anciennement le temple du soleil, construit et édifié de grande magnitude et beaulté, adapté et garny de plusieurs diverses cavernes. Et estoit icelluy merveilleux temple couvert dung ciel de cuyvre doré, et là-dedans se faisoient tonnerres, fouldres et cornscacions, et si y estoient envoyez pluies et eaues par tuyaulx de plomb. Et illecques en ce ciel estoyent les signes célestes et aussi les planettes avecques le soleil et la lune. Lesquelles choses on voit visiblement mouvoir par art subi il et mathématique. » — Le même plan nous montre, en face de la basilique de Saint-Jean de Lateran, à côté de la statue équestre de Marc-Aurèle, qui y resta jusqu’en 1538, l’informe dessin d’une main et d’une tête. L’unique explication de ces étrangetés est encore dans les Mirabilia : « Au milieu du Colisée séoit et présidoit Phébus le dieu du soleil, lequel avoit les pieds devers la terre et le chef qui touchoit le ciel, et aussi tenoit icelluy Phébus une palme en sa main; désignant et signifiant que la cité de Rome gouvernoit tout le monde. Et après une grande espace de temps, le benoist sainct Silvestre pape commanda de destruire quellui temple avecques aussi plusieurs aultres temples et sumptueux édifices, et fîst mettre le chef, les mains et la palme de ladicte ydole au palais de Lateran, laquelle teste est en vulgaire faulsement appellée la teste de Sanson... » Il y a là sans doute le souvenir un peu effacé du colosse de Néron, qui fut, après le règne de cet empereur, dédié au Soleil. Après avoir été transportées en effet pour longtemps sur la place de Saint-Jean de Lateran, la tête de bronze, qui est énorme, se trouve aujourd’hui dans la cour, et la main dans le musée du palais des Conservateurs. — Les Mirabilia placent un certain theatrum Neronis dans les prairies qui s’étendent à l’est du château Saint-Ange, sur la rive droite du Tibre, et le moyen âge a vulgairement appelé ce même lieu du nom de prati di Nerone, confusion

  1. M. de Rossi a probablement négligé à dessein, dans un manuscrit de la bibliothèque de Saint-Marc, à Venise, manuscrit du XIVe siècle, un autre exemplaire de ce même plan, de mêmes dimensions, avec un dessin un peu plus complet, mais non pas plus de légendes. Les notes inscrites autour de la carte présentent quelques variantes.