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probable entre le souvenir du cirque de Néron, qui s’étendait de l’autre côté du môle d’Adrien, là où Constantin commença d’édifier la basilique de Saint-Pierre, et celui d’un antique monument dont le plan de Rome du XIIIe siècle que publie M. de Rossi a conservé un très curieux indice. Tout l’espace entre le môle d’Adrien et cette partie de la rive droite du fleuve qui fait face à la porta pinciana est occupé ici par la représentation grossière, mais non équivoque, d’un cirque avec sa spina, et de chasses où figurent des cerfs et un lion. Cet espace est renfermé à tort dans les murs de la ville; mais cela encore s’explique. On a retrouvé en effet au siècle dernier dans ce lieu les restes d’un cirque remontant à Adrien ; Procope, sans en rappeler le nom, raconte que les Goths s’y étaient fortifiés par des murs de défense, et les troupes allemandes y campaient lorsque les empereurs Tenaient pour leur couronnement. Ce cirque paraît avoir servi pendant tout le moyen âge à des spectacles et à des chasses; les débris en ont persisté longtemps, et presque tous les plans antérieurs au XVIe siècle en tiennent compte.

Les autres édifices mentionnés par cette carte sont, sur la rive droite, le château Saint-Ange, la basilique de Saint-Pierre, et, à côté, la célèbre aiguille, acus, c’est-à-dire l’obélisque qui décorait anciennement le cirque de Néron ; — sur la rive gauche, la Rotonda ou le Panthéon, le palais des Sénateurs sur le mont Capitolin, et le palais des Césars ou peut-être seulement le stade du Palatin, désigné sous le nom de palatium majus. Rien des grandes ruines du forum ; l’arc de Constantin et l’arc de Titus sont peut-être représentés, mais non pas nommés. En général, il faut bien le dire, c’est la fantaisie ou plutôt la négligence extrême qui préside à ces dessins. En marge, diverses légendes donnent les noms des grandes voies, ceux des collines, ceux des portes; l’auteur n’a pu s’empêcher d’inscrire un aveu de la décadence dont le plan lui-même offre l’image. Il rappelle en mauvais latin que Rome a été incendiée, d’abord par le chef Brennus, puis par Alaric; il ajoute à ces envahisseurs, sur la foi de quelque tradition vague, « le plus jeune fils de Galaon, roi des Bretons. » Chaque jour, dit-il, de nouveaux désastres viennent frapper Rome; elle ressemble au vieillard décrépit qui peut à peine se soutenir avec le bâton; elle n’a rien d’une honorable vétusté, se trouvant réduite à un informe monceau de pierres. Cependant on le lui a prédit, elle ne cédera pas aux coups des barbares; mais elle languira, ébranlée par les tremblemens de terre, courbée sous les orages et la foudre. » Curieuse formule, où se fait jour, dans l’excès même de sa misère, la protestation de la ville éternelle.