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créanciers d’importans sacrifices, mais les leur imposant à titre provisoire, jusqu’au jour où, les réformes européennes ayant porté leurs fruits, le chaos des lois égyptiennes étant débrouillé, la taxe foncière étant équitablement répartie, les innombrables abus de la perception ayant disparu, on pourrait savoir exactement quelles sont les ressources de l’Egypte et ce qu’elle peut sans périr donner à ses créanciers. Tandis que le projet national, réglant l’avenir aussi bien que le présent, réduisait d’une manière définitive l’intérêt de la dette à un taux déterminé, le projet de la commission d’enquête, plus conforme aux règles de la faillite commerciale, partageait entre les créanciers tous les revenus du pays disponibles après le règlement des dépenses indispensables au fonctionnement régulier de l’état. Inaugurant ensuite les réformes, la commission supprimait quelques-uns des privilèges les plus odieux de la classe riche pour dégrever la classe pauvre d’impôts tellement lourds qu’ils restaient depuis plusieurs années non soldés, et qu’ils servaient uniquement à grossir des budgets fictifs de ressources apparentes. Enfin, abordant la question qui occupait tout le monde autour d’elle, c’est-à-dire la question des garanties à offrir aux créanciers et aux puissances, elle n’en trouvait pour son compte qu’une seule d’efficace : le maintien du régime européen. « Tant que la marche régulière des services publics ne sera pas assurée, disait son rapport, toutes les garanties données aux créanciers permanens du gouvernement seront vaines. Les promesses les plus séduisantes n’auront d’autre effet que de faire concevoir des espérances auxquelles, dans un avenir très prochain, les faits eux-mêmes viendront donner le plus brutal démenti. Que servirait d’avoir liquidé la dette non consolidée, si on laissait subsister les causes qui lui ont donné naissance, c’est-à-dire si les services publics n’étaient pas suffisamment dotés, et, à peine est-il besoin d’ajouter, si le régulier emploi des crédits n’était pas assuré par des modifications profondes dans le système d’administration qui a eu pour conséquence la crise que nous traversons ! L’expérience de ces dernières années a surabondamment prouvé combien cette réforme est nécessaire et combien à ce point de vue serait insuffisant tout système qui consisterait uniquement dans l’organisation d’un contrôle. » Quelques jours plus tard, protestant contre la chute du cabinet anglo-français, la commission d’enquête disait avec plus de netteté encore : « La stabilité des nouvelles institutions, et notamment le maintien des ministres européens, ainsi que des garanties qui s’y rattachent, étaient la condition essentielle de l’exécution de notre plan. La commission avait espéré que ce régime amènerait un grand bien pour l’Egypte, et par ce régime nouveau elle