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désignés par lacouronne, les conseillers d’Aligre, d’Irval et Gargant, et des délégués désignés par l’assemblée. Le moyen n’aboutit pas ; les mandataires du clergé restèrent sourds à toutes les demandes. Ils se retranchèrent invariablement derrière les engagemens qui avaient été pris. A leur instigation, l’assemblée déclara, après une délibération solennelle, que, vu l’état de détresse où les événemens avaient mis le clergé, elle n’accorderait rien. Mazarin ne se découragea pas ; on sait quelle était sa patiente et habile obstination. Il se flattait d’arracher, de guerre lasse, à la compagnie le subside jugé indispensable, mais de violences, il n’en voulait point user, sachant qu’elles eussent tourné contre lui. En vue de garder les députés sous sa main, la cour ayant dû à la fin de juin se rendre dans le Midi à cause de la prise d’armes des frondeurs, dont Bordeaux devenait le centre, il fit demander par la reine à l’assemblée de se transporter à Saintes. La régente allégua que le roi tenait à avoir près de lui l’auguste compagnie, afin de traiter plus facilement et à l’avantage de l’église les aifaires qu’elle lui soumettrait. Les députés n’avaient nulle envie d’aller si loin ; ils ne pouvaient cependant refuser ostensiblement d’obtempérer aux ordres de la régente ; ils décidèrent donc qu’ils se rendraient à Saintes. Mais afin de couvrir les dépenses que nécessitait cette translation, ils arrêtèrent qu’il serait levé sur le clergé une somme de 200,000 livres. La répartition de cet impôt demanda du temps ; elle s’opéra d’autant plus lentement que plusieurs provinces ecclésiastiques du Midi protestèrent contre la façon dont était fait le département ; elles soutenaient ne pas devoir être imposées sur le même pied que les autres, à raison du petit nombre de bénéfices compris dans leur ressort. En attendant que les fonds eussent été recouvrés, l’assemblée continua l’examen de la gestion de son receveur général, La Morinière, qui se retirait laissant des comptes fort embrouillés, et le règlement de diverses affaires contentieuses. Les semaines s’écoulèrent et les députés ne partaient pas, quoique le gouvernement les pressât, mais ils opposaient toujours la nécessité d’achever le département. Ils atermoyèrent si bien qu’ils étaient encore dans la capitale quand arriva la paix de Bordeaux (septembre 1650). Si la compagnie ne se souciait pas de suivre la reine, elle n’en tenait pas moins à lui présenter ses doléances, et, faute de se rendre à Saintes, elle envoya en Saintonge une députation de six membres pour lui adresser la harangue où elles étaient formulées. L’un des articles de ces remontrances avait un caractère tout politique, car il associait l’assemblée à l’opposition qu’on faisait alors au gouvernement d’Anne d’Autriche. Il concernait la sortie de prison du prince de Gonti. A raison du caractère ecclésiastique que lui donnait sa dignité d’abbé de Gluny, l’assemblée, vivement