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bilement imaginé pour mettre l’assemblée dans l’obligation de délier les cordons de sa bourse, car c’était là un intérêt tout religieux. Elle ne pouvait persister dans son refus, elle se résigna donc à accorder un subside, et le 25 janvier elle votait, pour le sacre du roi, une somme de 600,000 livres, payable en deux termes, octobre 1651 et février 1652, et dont elle se réservait le département.

Le gouvernement royal, ayant obtenu son argent, eût souhaité que l’assemblée, dont la session s’était tant prolongée, en restât là. L’agitation contre Mazarin allait croissant, et il devait craindre que la compagnie ne s’associât à la noblesse pour peser sur les résolutions de la reine. Mais la clause qui accompagnait le don gratuit laissait l’assemblée à pourvoir au département, ce qui pouvait encore exiger plusieurs semaines. Les princes n’étaient pas délivrés, et durant les premiers jours de février[1], les intrigues continuèrent. Le coadjuteur, qui y jouait un des principaux rôles, exerçait sur l’assemblée un puissant ascendant, et George d’Aubusson, ennemi de Mazarin, la poussait dans le même sens. La noblesse, c’est-à-dire les cinq cents gentilshommes réunis par le duc de Nemours et qui s’assemblaient aux Cordeliers, avait envoyé à la compagnie une députation pour l’engager à s’unir à elle afin d’agir de concert pour obtenir la liberté des captifs[2]. Les députés du clergé avaient jusque-là parlé seulement de la mise en liberté de Conti, parce qu’on le regardait comme appartenant au corps ecclésiastique ; mais il était maintenant question de Condé et de Longueville. L’assemblée se laissa entraîner par ces gentilshommes entreprenans à prendre parti dans une démarche qui n’était plus en réalité de son ressort ; elle accepta la proposition que lui faisait la noblesse. L’archevêque d’Embrun se chargea encore de porter la parole devant la reine. Cette intervention du clergé fut assez mal accueillie, et d’Aubusson ne reçut du garde des sceaux qu’une réponse peu encourageante. « La reine, disait le ministre, désavoue comme illégitime l’assemblée de la noblesse à laquelle s’est jointe celle du clergé. » Ces sèches paroles ne découragèrent pourtant pas l’ordre ecclésiastique. Il comptait sur l’appui du duc d’Orléans, auquel la députation qui avait été trouver le garde des sceaux

  1. Les princes ne sortirent du Havre, où ils avaient été transférés, que le 13 février.
  2. Il y eut entre les ordres du clergé et de la noblesse des conférences par l’intermédiaire de commissaires qui avaient été désignés de part et d’autre, et où l’on discuta les affaires communes aux deux assemblées. La solennité avec laquelle le marquis d’Entragues, qui présidait la réunion des Cordeliers, reçut la députation que l’assemblée du clergé envoya le 10 mars à cette compagnie et qui avait à sa tête l’évêque de Comminges et à laquelle s’étaient adjoints les deux agents généraux, montre que la réunion des gentilshommes se considérait comme représentant le second ordre en vertu du même droit que la réunion des Grands-Augustins représentait le premier.