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pressait le pape, elle faisait activement surveiller le cardinal de Retz. Ce prélat aux abois s’était vu dans la nécessité de quitter Rome, mais des divers asiles où il se réfugia successivement, il ne cessait de faire parvenir par des mains sûres à l’assemblée des lettres où il réclamait son droit. Le pape, de son côté, ne voulait point autoriser une sorte de mise en régie par le gouvernement français d’un diocèse dont le pasteur n’avait point été condamné et en laisser confier l’administration à des grands-vicaires que le roi aurait désignés. Le conflit dura ainsi jusqu’en novembre. La position de Retz devenait tellement intolérable que Mazarin devait croire qu’il serait finalement forcé de se rendre. En effet, le gouvernement royal continuait, par application du principe de la régale, la saisie du temporel de l’archevêque de Paris et du revenu des abbayes dont il était titulaire ; celui-ci n’ayant pas prêté serment de fidélité à la couronne, sa prise de possession du siège de Paris par procureur demeurait aux yeux du roi sans effet. On alléguait des précédens qui voulaient qu’un évêque ne pût toucher ses revenus tant qu’il n’avait pas prêté serment. Mazarin espérait que l’assemblée finirait par s’impatienter de l’obstination de Retz, auquel le parlement s’apprêtait à faire le procès, ce qui allait remettre au jugement de cette cour le litige touchant le temporel du prélat. L’assemblée soutenait au contraire que la saisie du temporel ne pouvait avoir lieu avant que le cardinal de Retz eût été convaincu du crime de lèse-majesté. Durant tout ce débat la couronne trouva un puissant auxiliaire dans l’archevêque de Toulouse, le célèbre Pierre de Marca[1], qui mit à son service dans un long mémoire la science profonde qu’il avait acquise de la jurisprudence durant sa vie de magistrat.

Les plus ardens des députés firent rédiger contre la saisie des remontrances qui devaient être présentées au roi ; mais les obstacles que la compagnie rencontra du côté de Mazarin et du conseil refroidirent peu à peu son zèle à défendre des immunités épiscopales que semblait prendre k tâche de compromettre celui qui en réclamait le maintien ; la majorité décida finalement que les remontrances ne seraient pas portées au roi. Pour donner à l’assemblée un semblant de satisfaction, Mazarin fit rendre par le conseil un arrêt qui statuait que le mémoire adressé au roi par les agens généraux pour se plaindre que les inforinations contre le cardinal de Retz fussent faites au préjudice des immunités et exemptions acquises aux cardinaux et aux évêques, serait déposé entre les mains du chancelier. Ce mémoire devait être communiqué aux avocats et procureur général en cour de parlement et il en devait être fait ce que sa majesté ordonnerait. Mécontente d’en avoir été réduite à en

  1. Marca, élu député de sa province, n’arriva qu’assez tard à l’assemblée, retenu qu’il était par la présidence des états du Languedoc.