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entre les contribuables; tandis que dans la forme de quotité, la lutte, au lieu de s’établir entre le contribuable et la commune, s’engage entre le contribuable et l’agent des contributions chargé de la fixation de la cote. On pourrait craindre que l’intervention des agens du fisc n’excitât plus de défiance que l’action des autorités locales et n’eût pour effet d’entraver le recouvrement de l’impôt. Mais l’expérience prouve que cette objection est plus grave en théorie qu’en pratique. La cotisation de l’impôt des patentes, qui est une opération non moins délicate, ne provoque aucune protestation de la part des contribuables contre les employés de l’administration. Pourquoi la perception de l’impôt foncier présenterait-elle plus de difficultés?

On ne saurait prétendre que, dans le mode de quotité, le trésor doive rencontrer les intérêts des contribuables coalisés contre lui. Tous les contribuables ont au contraire intérêt à ce que chacun paie sa part proportionnellement à son revenu, car le dégrèvement que l’un obtient ne profite pas aux autres, et ce qui est enlevé frauduleusement au fisc doit être supporté par tous les contribuables. En faisant payer à chacun ce qu’il doit légalement, l’état agit donc en réalité dans l’intérêt de tous.

On a prétendu encore que si on établissait l’impôt de quotité, les conseils de préfecture et le conseil d’état, composés de fonctionnaires amovibles, ne pourraient plus juger les litiges relatifs aux contributions directes, parce que l’état, devenant l’adversaire des contribuables pour la fixation de l’impôt, ne pourrait pas être dans ces affaires juge et partie. Ces contestations devraient être portées devant les juges ordinaires, dont il faudrait doubler le nombre.

L’expérience a fait également justice de cette nouvelle objection. La juridiction administrative juge effectivement les contestations que fait naître la perception de l’impôt des patentes ; son indépendance et son impartialité n’ont jamais été contestées.

Mais il y a contre le projet d’une réforme générale de la répartition de l’impôt foncier des objections plus graves. N’y aurait-il pas en effet de grands inconvéniens à faire procéder à des opérations cadastrales qui dureraient certainement plus de dix ans, peut-être vingt ans, et dont le résultat, pouvant entraîner une augmentation de l’impôt, inquiéterait les intérêts des propriétaires de 140 millions de parcelles? Ces opérations entretiendraient dans le pays, pendant toute leur durée, une agitation permanente qui aurait des conséquences fâcheuses pour la tranquillité du pays et même pour la sécurité du gouvernement.

La crainte de provoquer des mécontentemens parmi les propriétaires des 18,500,000 maisons ou usines a empêché l’administration