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s’est fait des édifices classiques : c’est en parcelles qu’ont été réduits les riches matériaux de l’ancienne Rome, quand on ne les a pas entièrement détruits dans les fours à chaux. Et ce moyen âge romain sera lui-même impitoyablement poursuivi et ravagé par les grands artistes du XVIe siècle, puis par leurs fastueux disciples des époques suivantes.

Pendant que les Cosmati donnaient naissance à une première école moderne d’artistes romains, que devenait le soin des monumens antiques? On ne saurait méconnaître l’importance du décret émis par le sénat, le 27 mars 1162, en faveur de la conservation de la colonne Trajane. Il est vrai que, par ce même acte, on confirmait aux religieuses de Saint-Cyriaque la possession de cette colonne, et l’on peut bien croire que le sénat avait pour principal but de sauvegarder une simple propriété de couvent. Cela n’empêche pas qu’il n’y eût dans le décret quelques expressions générales de véritable respect : l’honneur de l’église et de tout le peuple romain était intéressé, disait-on, à ce que la colonne Trajane demeurât intacte jusqu’à la fin du monde: est ad honorem ipsius Ecclesiœ et totius populi romani integra et incorrupta permanent dum mundus durat; et l’on menaçait de la confiscation ou même du dernier supplice quiconque y porterait atteinte. La colonne de Marc-Aurèle était de même la propriété des religieux de San Silvestro in capite, et l’on menaçait aussi de l’anathème tout violateur de leur droit.

Encore à la fin du XIIIe siècle, Dante nous est témoin que les grands esprits eux-mêmes ne savaient ni comprendre ni remarquer les grands monumens de l’antiquité classique. Il en avait pourtant vu beaucoup dans ses voyages au-delà des Alpes, et en particulier dans le midi de la France ; à peine mentionne-t-il les sépultures d’Arles et de Pola. Pas un mot sur le célèbre amphithéâtre de cette ville de Vérone où il avait vécu exilé. Pour ce qui est de Rome, il a bien décrit en quelques vers de quelle stupeur les Barbares, au premier aspect de sa grandeur imposante, avaient dû être saisis; mais c’est tout au plus si la vue de ses merveilles lui inspire une allusion à ce bas-relief auquel se rattache la célèbre légende de la clémence de Trajan. Il a fait quelques mentions, de la pigna du Vatican, du pont Saint-Pierre, du Monte Malo (aujourd’hui le Monte Maria), du Lateran, du Vatican; mais comment comprendre que la majesté des grandes ruines ait été comme inaperçue pour lui? — Quant à Pétrarque, cartes il a déployé un zèle méritoire à la recherche des manuscrits de l’antiquité, envoyant partout des émissaires, en Italie, en Allemagne, en France, en Espagne, en Grèce, retrouvant les Institutions oratoires de Quintilien, une partie de la correspondance et plusieurs discours de Cicéron; il a recueilli avec un soin très