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louable cette collection de médailles des empereurs qu’il offrit en présent à Charles IV ; il a écrit en l’honneur de Rome et de ses souvenirs plusieurs de ses lettres, et notamment celle à Jean Colonna de San Vito, bien souvent citée. On peut dire cependant, — M. de Rossi l’a démontré dans un ingénieux mémoire, — que sa science de l’histoire romaine est apprise, non sur les monumens, mais dans les livres, et que sa science archéologique et topographique est presque entièrement puisée dans les Mirabilia. C’est là que Dante a pris son souvenir de Trajan ; c’est de là que Pétrarque emprunte des confusions et des erreurs traditionnelles peu dignes de lui. Il croit, avec le vulgaire, que la colonne dédiée à Trajan est le tombeau de cet empereur, et la pyramide de Cestius celui de Rémus, quand les inscriptions de l’un et l’autre monument l’auraient si facilement instruit. Il appelle les thermes de Caracalla Palatium Antonini, le monument de l’eau Julia Cimbrum Marii ; le Panthéon d’Agrippa temple de Cybèle : on reconnaît les désignations arbitraires que les Mirabilia ont mises en usage, et que banniront les premières lumières d’une critique nouvelle. Dante et surtout Pétrarque avaient aidé au progrès littéraire et critique, mais sans en recueillir pour eux-mêmes les premiers résultats[1].

Ce fut un très célèbre contemporain et ami de Pétrarque, ce fut le tribun Rienzi, qui, exalté au souvenir de l’ancienne république, et méditant dans son âme inquiète de la faire revivre, sut distinguer de quel secours les témoignages des monumens appuieraient ses évocations populaires. Sincèrement épris de cette étude pour elle-même, il s’appliquait tout le jour, dit son biographe, à interpréter le marbre et la pierre ; il était seul, paraît-il, à savoir comprendre les inscriptions : non era altri che sapesse legere li antichi pataffi. On sait quel usage il fit de sa science incomplète, et comment il se servit pour ses desseins d’une des plus célèbres inscriptions, la Loi royale, retrouvée par lui sur une plaque de bronze que Boniface VIII avait encastrée dans l’autel de Saint-Jean de Lateran. M. de Rossi a démontré qu’il fut l’auteur de ce recueil épigraphique qu’on avait cru devoir attribuer à Nicolas Signorili, secrétaire du sénat de Rome au commencement du XVe siècle. Par un si intéressant travail, Rienzi s’est rendu maître d’une nomenclature toute nouvelle, bien plus authentique et plus voisine de la réalité que celle des Mirabilia ; il a enseigné à ses contemporains que les débris de l’antiquité parlaient d’eux-mêmes et qu’il fallait en étudier le langage ; il s’est placé en un mot à la tête d’un mouvement de saine érudition

  1. Voir le tome premier (le seul qui ait paru) de la Correspondance familière de Pétrarque, publié par J. Fracassetti en 1859, pages 301-316, et le Bulletin de l’Institut archéologique de Rome, 1871, pages 1 et suivantes.