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et lui-même avaient été si cruellement mêlés, il résolût de ramener un peu d’ordre, quelque repos et quelque paisible activité dans Rome. Il rétablit tout d’abord, par une bulle restée célèbre, cette ancienne magistrature des magistri viarum, pontium, œdificiorum, etc., dont il serait si intéressant de pouvoir reconstruire le passé. Il décrivait lui-même avec énergie, pour motiver ce rétablissement, l’abandon et l’anarchie de Rome : les statues brisées jonchaient la terre, destinées à faire de la chaux, ou bien servant de bornes dans les rues et de marchepieds pour monter à cheval; les plus beaux des monumens antiques étaient envahis et dégradés par une populace qui y installait sans scrupule ses pauvres et sales demeures, ses boutiques, ses écuries, ses hangars, ses étables. Les grands n’étaient pas beaucoup plus retenus ; ils y construisaient leurs magasins et leurs celliers en même temps que leurs forteresses. Cependant beaucoup d’édifices chrétiens dans Rome étaient déjà en possession d’une antiquité relative qui avait ses droits; le pape y ordonna des réparations de détail, et saisit l’occasion pour prodiguer de sérieux encouragemens aux diverses branches des beaux-arts. Il aimait en particulier la basilique de Saint-Jean de Lateran, où subsiste un pavage en mosaïque qui date de lui; ce fut justice que dans cette même basilique fût placé son tombeau en bronze, œuvre de ce Simon désigné à tort par Vasari comme frère de Donatello. Il appela pour ces travaux, à défaut d’artistes romains, quelques-uns de ces habiles maîtres qui faisaient alors la gloire de Florence, de Sienne ou de l’Ombrie. Il employa ainsi Gentile da Fabriano et Vittore Pisanello; il acheta de Rogier van der Weyden le célèbre petit tableau d’autel qui se trouve aujourd’hui au musée de Berlin. Masaccio trouva en lui un zélé bienfaiteur, mais seulement sans doute après être devenu déjà célèbre par ses peintures de la chapelle des Brancacci au Carmine de Florence. Les documens d’archives paraissent en effet démontrer que ce grand artiste, contrairement au témoignage de Vasari, n’a quitté Florence que dans ses dernières années, et qu’arrivé à Rome, il y est mort en 1428 ou au plus tard en 1429. Aussi quelques-uns des meilleurs juges, M. Henri Delaborde par exemple, n’admettent-ils pas qu’il ait pu composer après de si belles œuvres les peintures de l’église Saint-Clément à Rome, représentant des scènes de la vie de sainte Catherine, peintures intéressantes à coup sûr par leur cachet florentin, si aimable à rencontrer parmi les œuvres romaines, mais inférieures, pense-t-on, à ce que le maître devait donner alors, et pour lesquelles il semble d’ailleurs que le temps aurait dû lui manquer[1].

  1. Des œuvres et de la manière de Masaccio, par M. Henri Delaborde, brochure in-8o, 1876.