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colonnes furent délivrées des misérables habitations qui s’y appuyaient, et ses abords furent dégagés. On trouva dans le sol, à cette occasion, d’abord la grande urne de porphyre qui resta si longtemps en face de la principale entrée, et qui sert maintenant au tombeau de Clément XII à Saint-Jean de Lateran, puis un des deux lions que Sixte-Quint fit placer à sa fontaine de l’Acqua Felice, et enfin des débris en bronze, un morceau d’une tête d’Agrippa, une jambe de cheval et un fragment de roue, ce qui fit soupçonner, dit Flaminio Vacca dans ses intéressans souvenirs de fouilles, écrits à la fin du XVIe siècle, qu’au fronton de la Rotonda on voyait jadis Agrippa triomphant sur un char de bronze, avec des lions aux deux angles. — Eugène IV chercha en outre à soustraire le Colisée aux injures de la multitude, en l’enfermant dans une même enceinte avec le couvent de Sainte-Françoise Romaine ; mais après sa mort, les Romains jetèrent bas les murs, et le Colisée redevint un lieu public exposé à toutes les profanations.

Il est d’ailleurs très vraisemblable que ce pape s’est occupé plus volontiers encore des églises et des basiliques que des monumens anciens. Son principal effort fut pour Saint-Pierre. Cette basilique vénérable entre toutes comptait déjà une réelle antiquité ; elle avait déjà son histoire, que Maffeo Vegio et plus tard l’archiviste Grimaldi devaient écrire[1]. Fondée par Constantin sur l’un des côtés du cirque de Néron, elle avait envahi peu à peu plusieurs sanctuaires voisins, et était devenue l’objet des soins de plusieurs papes. La première renaissance, avec des artistes tels que Mino da Fiesole, allait y compter de belles œuvres. Une des plus intéressantes, sinon des plus remarquables au point de vue de l’art, fut la porte de bronze par laquelle Eugène IV voulut remplacer l’ancienne porte ornée d’argent que les anciens papes avaient consacrée, mais que le temps et les rapines avaient ruinée.

C’est après avoir vu la célèbre porte de Ghiberti à Florence que le pape commanda cet ouvrage à un autre artiste florentin, Antonio Filarete ; mise en place le 26 juin 1445, elle forme encore aujourd’hui l’entrée principale, au prix de quelques additions ordonnées par Paul V Borghèse en 1619 pour l’ajuster aux dimensions de l’église moderne. Vasari a beaucoup médit à ce sujet ; mais s’il connaît l’auteur de la porte de bronze, pour avoir souvent consulté ou copié ses livres sur l’architecture, il connaît bien mal cette œuvre-ci, car il fait d’étranges erreurs en la décrivant ; son nouvel éditeur, le savant M. Gaetano Milanesi, proteste avec raison contre son jugement tout au moins peu réfléchi. Comme œuvre d’art, la porte de

  1. Voir au premier fascicule de la Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome une notice fort utile de M. Müntz sur les écrits de Jacques Grimaldi.