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circulaire le château Saint-Ange, non pas tel qu’on le voyait en 1445, car il lui donne une forme très différente de celle que reproduisent d’autres œuvres contemporaines : évidemment c’est l’ancien tombeau d’Adrien qu’il a entendu nous montrer, sans nul respect de la chronologie. L’arbre, c’est le célèbre térébinthe auprès duquel la tradition prétend que le supplice a eu lieu ; les souvenirs effacés du moyen âge l’ont quelquefois transformé en un monument ainsi désigné. Quant aux deux pyramides, l’artiste reproduit sans nul doute deux tombeaux anciens, qui subsistaient, quoique ruinés, de son temps. L’un nous est assez bien connu : c’est celui qu’on appela au moyen âge tantôt le tombeau de Scipion l’Africain, tantôt le tombeau ou bien la Meta de Romulus. Dès le VIIe siècle, un pape l’avait dépouillé de ses marbres pour en orner le parvis de la basilique ; Alexandre VI le fit à peu près entièrement disparaître. Nul doute que Filarete n’ait eu l’intention de représenter ainsi ce qu’il croyait correspondre aux deux metae du cirque de Néron, entre lesquels la tradition plaçait l’épisode du martyre ; le térébinthe était de même imposé par la légende ; quant au château Saint-Ange, il aura été ajouté comme étant l’édifice le plus connu pour désigner aux hommes du XVe siècle la partie de la ville où il fallait chercher le lieu de la scène, — C’est d’ailleurs un problème difficile que de savoir quel a été l’endroit du supplice de saint Pierre ; une des solutions les moins probables paraît être celle qui choisit le Janicule et particulièrement ce lieu, voisin de l’église Saint-Pierre in Montorio, où s’élève l’élégant édicule de Bramante. Saint Pierre n’étant pas citoyen romain, ne devait pas être mis à mort dans l’enceinte de Rome ; or le Janicule faisait depuis longtemps partie de la ville. Bien entendu, c’est cette solution invraisemblable qu’ont adoptée les guides à Rome ; ils montrent le lieu précis où, suivant eux, la croix était fixée. — Ajoutons que la mauvaise interprétation des mots inter duas metas devait être admise depuis longtemps, puisque, cent cinquante années avant Filarete, Giotto l’adoptait déjà : sur la peinture, provenant de la confession de l’ancienne basilique, que l’on peut voir dans la sacristie actuelle, il représente pour la même scène précisément les mêmes édifices.

Aux souvenirs des temps apostoliques succèdent, dans les quatre bandes entre les cadres inférieurs, des épisodes d’histoire contemporaine, ceux qui ont illustré le pontificat d’Eugène IV. L’empereur d’Orient, Jean Paléologue, arrive à Ferrare, où le concile de Bâle s’est transporté ; l’union des deux églises est proclamée à Florence ; l’empereur Sigismond est couronné à Rome des mains du pape ; les Jacobites éthiopiens, par leurs ambassadeurs, viennent faire union avec l’église romaine, etc. Nul doute qu’il ne puisse y