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furent déclarés protecteurs, où Louis XI fit faire encore d’importans travaux, et sur laquelle notre droit reconnu de patronage n’a point cessé. Quand l’ambassadeur de France à Rome près le saint-siège fait sa première entrée dans la basilique, après avoir révéré le prince des apôtres, il va s’agenouiller dans la chapelle de Sainte-Pétronille[1].

Rien ne subsiste probablement de la tour que ce même pape avait construite auprès de la porte d’entrée du palais du Vatican. Est-ce sur le mur de cette tour que plus tard Raphaël dut peindre une fresque bien singulière, de nature à ne rien ajouter à sa renommée? Un jeune éléphant, nommé Hannon, et qui avait été donné à Léon X par le roi de Portugal, faisait les délices de la cour pontificale et du peuple romain. Un mauvais poète, nommé Baraballo da Gaëta, voulut aller réciter ses vers au Capitole afin de mériter, lui aussi, le laurier qu’avait eu autrefois Pétrarque. On le fit monter sur le dos d’Hannon, dans la cour du Vatican, le pape et les cardinaux assistant des fenêtres à son départ et lui souhaitant bon succès; mais, arrivé au pont Saint-Ange, Hannon, qui n’aimait pas les vaniteux, jeta le mauvais poète à terre. Le pauvre Hannon, estimé tie tous, mourut d’une angine le 8 juin 1512, et Léon X voulut, dit une inscription latine attribuée à Bembo, que Raphaël d’Urbin le reproduisit de grandeur naturelle sur la tour voisine de l’entrée du palais, ad turrem prope portam palatii. On peut voir sur la porte travaillée en tarsia de l’une des chambres de Raphaël au Vatican une représentation de Baraballo monté sur Hannon.

C’est, nous l’avons dit, dans l’intéressante ville de Sienne, où il a construit le palais Piccolomini et la Loggia, et où Pinturicchio, dans la sacristie de la cathédrale, a représenté sa vie, c’est à Corsignano, aujourd’hui Pienza, sa ville natale, tout entière réédifiée par lui, qu’il faut étudier et juger Pie II. M. Müntz a fort bien rappelé combien le nom de ce pontife était cher à l’humanisme. Les écrits d’Æneas Silvius avaient montré un esprit varié, ouvert, intelligent, bienveillant, fortifié par l’expérience de pays et de civilisations diverses, à la fois accessible aux vues nouvelles et pénétré de quelques-uns des plus profonds sentimens du moyen âge.

Paul II (cardinal Barbo) n’eut pas, comme Pie II, les humanistes pour lui; cela seul, en le privant de certains éloges retentissans, lui valut en outre quelques médisances. Peu s’en faut qu’on ne l’ait voulu faire passer pour un ennemi de la renaissance italienne, reproche bien injuste et bien faux. Il est vrai qu’il a permis d’enlever, pour les faire servir à ses propres monumens, les travertins

  1. Cette chapelle, située au fond de la basilique, à droite, est fermée depuis le dernier concile.