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sa voix, de son talent, de sa santé et ce qu’elle veut et peut faire pour nous. Peut-elle chanter Valentine, dona Anna, Rachel, l’Africaine, prendre sa part de ce pénible travail quotidien auquel depuis six ans. la Krauss a tenu tête avec tant de bravoure ? Qu’elle vienne, et nous applaudirons à son retour ; mais s’il faut qu’elle soit derechef la cantatrice d’un seul rôle, s’il nous faut à perpétuité l’entendre chanter les Nilsson et rien que les Nilsson : Di, talem avertite casum, qu’on nous épargne cet ennui de voir l’auteur d’Hamlet friser à neuf pour Françoise de Rimini la perruque blonde d’Ophélie.

Soyons sérieux et ne commençons point par nous perdre dans les chinoiseries. « Faire de l’art » est un mot que M. Vaucorbeil prononce volontiers ; comment y réussir sans compromettre les intérêts financiers de la situation ? comment marier le Grand Turc avec la république de Venise ? Question difficile et que les bonnes intentions ne suffisent point à résoudre. Nous l’avons dit mainte fois, le monument de M. Garnier sera La ruine de notre Académie lyrique. Il ne s’agit plus désormais simplement d’ouvrir les portes, et de promener son monde par les escaliers, les corridors et les foyers, le public réclame autre chose et, sa première curiosité désormais satisfaite, il prétend comme le corbeau de la fable que le ramage réponde au plumage.

Équilibrer les proportions, faire que la bonne harmonie s’établisse partout, et qu’entre le contenant et le contenu il n’y ait pas dissonance : quand M. Perrin refusait naguère de se charger de l’Opéra à moins d’une augmentation de quatre cent mille francs dans la subvention, il comprenait cette nécessité de premier ordre. À l’heure qu’il est, on peut en prendre soi parti, la chambre ne votera pas un centime, non par indifférence ou mauvais vouloir, mais parce que personne n’est là pour la convaincre ; ce ne sont pas nos députés qui sont des indifférens, ce sont nos ministres des beaux-arts qui ne savent pas les persuader. Les députés ont un sentiment vague des avantages que la république aurait à tirer de riches dotations accordées au département des beaux-arts, l’exemple d’Athènes et de Florence sourirait même à quelques-uns ; mais la confiance leur manque dans les hommes qui sont au pouvoir et qu’ils connaissent pour les avoir faits ; ils savent que M. Ferry n’est là qu’en vue de l’article 7, et que M. Turquet, n’ayant jamais compté que comme appoint de la majorité, représente aujourd’hui au ministère des beaux-arts le personnage que le maréchal Vaillant y faisait sous l’empire, avec cette différence que le maréchal avait à son côté M. Doucet, pour le sauvegarder contre son inexpérience, et que M. Turquet opère lui-même.

Croit-on que la chambre ignore ce qui se passe, et que la manière dont on use des subventions qu’elle accorde à la musique doive beaucoup l’encourager à des largesses nouvelles ? Quel sens donner par