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parti. Je veux faire produire à la réforme électorale tous ses fruits ; car elle n’est pas un acte définitif, elle n’est que le moyen d’atteindre un grand but. » Répondant au reproche qui lui était adressé d’avoir l’appui des tories, il se félicita de cet appui, qui prouvait que, cette fois, les tories se rangeaient du côté du peuple, et le besoin que les tories devaient éprouver de conquérir les sympathies populaires lui faisait présager que cette alliance serait durable. Dans une circulaire adressée aux électeurs pour leur annoncer qu’il solliciterait de nouveau leurs suffrages lorsque la dissolution du parlement serait prononcée, il donnait à sa candidature le même caractère : « Je me présenterai sans porter l’étiquette d’aucun parti ni la livrée d’aucune faction. Je vous demanderai vos suffrages à titre de voisin indépendant, qui, sympathisant avec vos besoins et avec vos intérêts, consacrera tous ses efforts à satisfaire les uns et à servir les autres. » Et, après un tableau de la crise redoutable que l’Angleterre traversait, la circulaire concluait par cet appel : « Anglais, rejetez loin de vous tout ce jargon politique et ces dénominations factieuses de whigs et de tories, deux noms qui n’ont qu’un seul sens et qui servent uniquement à vous tromper; unissez-vous dans la formation d’un grand parti national, qui seul pourra sauver le pays de la destruction... » La même conclusion et presque les mêmes paroles se retrouvent dans une petite brochure publiée quelques mois plus tard, sous ce titre : Ce qu’il est. Dans cette brochure, M. Disraeli exprimait l’opinion qu’il fallait compléter la réforme dans un sens démocratique, si l’on voulait obtenir désormais un bon fonctionnement de la machine gouvernementale. Les institutions anglaises avaient eu jusque-là pour moteur le principe aristocratique : ce principe avait été sapé à sa base par le bill de réforme, on ne pouvait songer à lui rendre sa force et son rôle passés, parce qu’il n’y avait pas de conciliation possible entre les tories et les whigs, et que l’antagonisme avait été rendu plus violent encore par la façon dont les whigs avaient accompli la réforme. Il fallait donc donner au gouvernement une force motrice nouvelle qu’on ne pouvait trouver que dans la transformation des partis. « Je puis comprendre, disait l’écrivain anonyme, un tory et un radical; mais un whig, un aristocrate démocratique, dépasse mon intelligence. Si les tories renoncent réellement à restaurer le principe aristocratique et sont sincères dans l’aveu qu’ils font que la machine gouvernementale ne peut marcher dans sa condition actuelle, il est de leur devoir de se fondre avec les radicaux, et de faire disparaître ces deux dénominations politiques dans l’appellation commune, plus intelligible et plus relevée, de parti national. » Cette création d’un parti, ralliant et réunissant dans une action commune, au lendemain même de la bataille et avant que l’ardeur