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lui-même dans son journal, en termes railleurs, la démarche infructueuse de lord Lyndhurst. « Le chancelier, écrit-il, est venu me voir hier pour me parler de faire entrer le jeune Disraeli au parlement comme député de Lynn. Je lui avais dit que George Bentinck avait besoin d’un bon second pour mettre dehors William Lennox, et le chancelier m’a proposé le gentleman en question, qu’il m’a dit être ami de Chandos. Il faut pourtant que ses opinions politiques soient encore en suspens, car le chancelier m’a dit que Durham fait tout son possible pour le gagner par l’offre d’un siège et le reste; si donc il ne s’est pas encore prononcé et s’il flotte entre Chandos et Durham, ce doit être un personnage d’une bien grande impartialité. Je ne pense pas qu’un tel homme nous convienne, bien qu’il soit précisément tout ce qu’il faut pour être des amis de Lyndhurst. » Voilà l’accueil que les chefs des tories firent à l’homme qui devait, un jour, relever la fortune de leur parti. Ce qui ajoute à l’intérêt du récit de M. Greville, c’est qu’il prouve par un témoignage irrécusable que M. Disraeli est l’auteur de sa propre fortune, qu’il n’a rien dû au parti sous la bannière duquel il s’est rangé volontairement : ainsi s’explique, du même coup, l’indépendance hautaine dont nous le verrons faire preuve vis-à-vis des chefs de ce parti.

La chambre des communes ayant été dissoute, M. Disraeli se présenta de nouveau à High Wycombe et sans plus de succès : il échoua encore devant les influences réunies de M. Smith et du colonel Grey. Quelques jours après ce nouvel échec, un banquet lui fut donné par les électeurs conservateurs, et il y prit la parole : « J’ai livré, dit-il, deux combats pour l’indépendance de Wycombe, et je suis prêt, si l’occasion se présente, à en livrer un troisième. Je ne suis pas découragé. En aucune façon je ne me sens battu : peut-être est-ce parce que j’y suis habitué. Je puis presque m’appliquer le mot d’un illustre général italien, à qui l’on demandait, dans sa vieillesse, pourquoi il était toujours victorieux. Il répondit : «Parce que, dans ma jeunesse, j’ai toujours été battu. » Le jeune orateur ne devait pas tarder à montrer qu’en effet sa résolution n’avait pas fléchi. Bien que les tories eussent gagné cent cinq voix dans les élections générales, ils n’avaient pas une majorité suffisante pour se maintenir au pouvoir : ils furent renversés dès le mois d’avril 1835, grâce à l’appui que leurs adversaires reçurent d’O’Connell. M. H. Labouchère, qui tenait un certain rang parmi les whigs, fut appelé à faire partie de la nouvelle administration comme directeur général de la Monnaie. Il dut se soumettre à la réélection. Il avait été nommé cinq fois déjà par le bourg de Taunton; il n’avait pas eu de concurrent aux élections générales, et il s’attendait à n’en point avoir, lorsque son influence personnelle