Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 35.djvu/543

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’une colonne à l’autre faisaient de l’ombre devant ces chambres où les habitans passaient les heures chaudes de la journée. Dans cette demi-obscurité, les imperfections de détail ne paraissaient pas, et les artistes pouvaient sans inconvénient négliger quelques-uns des mérites des modèles qu’ils imitaient.

Malgré ces réserves, qu’il était indispensable de faire, on peut admettre sans témérité que les fresques d’Herculanum et de Pompéi donnent une idée assez juste de la peinture alexandrine. M. Helbig. en est si convaincu qu’il essaie de retrouver dans ces copies incomplètes quelques-uns des tableaux célèbres dont les critiques anciens nous ont vanté la beauté. C’est une entreprise qui peut sembler d’abord un peu hasardeuse ; mais il ne faut pas oublier que, si ces tableaux sont aujourd’hui perdus, il nous reste au moins d’eux quelques souvenirs. Ils sont mentionnés brièvement chez les écrivains qui nous ont transmis l’histoire de la peinture antique : il est rare que les poète, j surtout ceux de l’Anthologie, n’aient pas consacré quelques vers à les décrire ; on en trouve des imitations plus ou moins exactes dans les bas-reliefs et sur les vases ; enfin, ce qui est plus important, ils ont dû être plusieurs fois reproduits sur les murailles des villes de la Campanie. En rapprochant ces copies diverses et les contrôlant par les renseignemens que les critiques et les poètes nous donnent, on aperçoit, ce que chaque artiste a pris à l’original, et l’on arrive à le reconstruite au moins dans son ensemble et ses grandes lignes. C’est ainsi que, par un effort de science et de sagacité, M. Helbig. nous rend deux tableaux fameux de Nicias, l’Andromède et l’Io. Le premier est reproduit deux fois à Pompéi dans des proportions qui n’y sont pas ordinaires ; l’autre ne l’est qu’une fois, mais on l’a fort heureusement retrouvé dans la maison de Livie, au Palatin. Ce sont deux belles peintures, qui paraissent faites pour se correspondre et qui se ressemblent assez pour qu’on les croie de la même main. Les copistes doivent avoir conservé l’ordonnance générale et les principales qualités du modèle ; ils nous permettent donc de nous figurer ce que devaient être ces deux ouvrages du grand artiste athénien, qui, selon Pline, excellait à peindre les femmes. C’est ce qui nous arrive aussi à propos d’un tableau encore plus célèbre que ceux de Nicias. Deux petites fresques de Pompéi représentent Médée au moment où elle va tuer ses enfans. Les savans sont d’accord pour admettre que ce sont des imitations d’un chef-d’œuvre de Timomaque, mais des imitations assez imparfaites. À côté de Médée, ces peintres ont placé ses deux fils qui jouent aux dés sous la surveillance de leur pédagogue. Ce détail dramatique, ce contraste saisissant entre la joie insouciante des enfans et les préoccupations terribles de la mère,