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à M. Vosmaer que nous le devons aujourd’hui. Après avoir déjà publié (1863-1868) deux volumes sur Rembrandt, M. Vosmaer nous a donné en 1877 une édition définitive de son travail[1]. En suivant toutes les pistes, en joignant à ce qu’avaient découvert les érudits de son pays tout ce qu’il avait pu trouver lui-même, en opposant des témoignages, en étudiant à côté de Rembrandt ses maîtres, ses proches, ses amis, ses contemporains et ses élèves, en apprenant à connaître son époque et en visitant les lieux où il a habité, M. Vosmaer est parvenu à reconstituer, autant du moins qu’elle pouvait l’être, la vie de Rembrandt et l’histoire de ses œuvres. Ce grand travail, il l’a mené à bien avec la sagacité d’un magistrat, avec le sens d’un homme de goût, avec la piété d’un patriote, surtout avec cette opiniâtre ténacité qui fait l’honneur de sa race. Ajoutons que par une attention dont nous devons lui être reconnaissans et que lui inspirait « le désir de porter aussi loin que possible la gloire du grand Rembrandt, » M. Vosmaer a eu la bonne pensée d’écrire en français le livre qui lui était consacré. Nous n’avons pas la prétention de résumer un tel ouvrage, encore moins celle de le compléter[2]. Notre but est à la fois plus modeste et plus précis. Avec les indications que nous fournit M. Vosmaer, nous voudrions aujourd’hui suivre Rembrandt dans les musées trop peu connus de Casse!, de Brunswick et aussi dans celui de Dresde. Ses prédécesseurs, ses contemporains et ses élèves y sont comme lui très largement représentés, mais c’est à ses propres œuvres surtout que nous voulons nous attacher. A raison de leur nombre[3] et de leur importance, elles marquent les principales étapes de sa vie et de son talent. Elles seront pour nous l’occasion de rapprochemens instructifs et qui nous ont paru offrir parfois tout l’intérêt d’une observation morale faite directement. Quand il s’agit d’une nature aussi sincère que celle de Rembrandt, une telle étude a son prix, à la condition qu’elle reste discrète et mesurée. Pour délicate qu’elle soit, elle vaut du moins qu’on s’y applique : c’est avec une liberté respectueuse que nous l’avons tentée.

  1. Rembrandt, sa vie et ses œuvres un gros volume avec catalogues et pièces à l’appui; Paris, 1877, librairie Renouard.
  2. Pas plus que Burger, M. Vosmaer n’a vu les nombreuses peintures de Rembrandt que possède le musée de l’Ermitage. C’est pour compléter son livre à cet égard, ou pour rectifier sur quelques points des appréciations qu’il n’avait pu donner que de seconde main, d’après des gravures ou des photographies, que M. Bode a récemment publié dans l’Athenœum, trois articles sur Rembrandt.
  3. On en compte vingt-trois à Cassel, huit à Brunswick et vingt à Dresde, et dans le nombre, des productions capitales, ou qui nous montrent Rembrandt sous des jours nouveaux, car on ne rencontre en Hollande ni paysage du maître, ni aucune de ses grandes compositions empruntées aux livres sucrés.