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par une mémoire féminine, je ne négligerai pas cette occasion de dire à quel point l’impératrice sut, par le goût de sa parure et l’habileté de sa recherche, paraître jeune et agréable en tête d’un nombre considérable de jeunes et jolies femmes dont, pour la première fois, elle se montrait entourée. Cette cérémonie se fit à l’éclat d’un soleil brillant. On la vit, au grand jour, vêtue d’une robe de tulle rose, semée d’étoiles d’argent, fort découverte selon la mode du moment, couronnée d’un nombre infini d’épis de diamans, et cette toilette fraîche et resplendissante, l’élégance de sa démarche, le charme de son sourire, la douceur de ses regards produisirent un tel effet, que j’ai ouï dire à nombre de personnes qui assistèrent à la cérémonie qu’elle effaçait tout le cortège qui l’environnait.

Peu de jours après, l’empereur partit pour le camp de Boulogne, et si l’on en croit les bruits publics qui se répandirent, les Anglais commencèrent à redouter réellement la tentative de la descente. Pendant plus d’un mois, il parcourut les côtes, passa en revue les différens camps de son armée, alors si nombreuse, si florissante et si animée. Il assista à plusieurs engagemens qui eurent lieu entre les vaisseaux qui nous bloquaient et nos flottilles, qui prenaient un aspect redoutable. Tout en se livrant à ces occupations militaires, il rendit plusieurs décrets qui tendaient à fixer les préséances et le rang des diverses autorités qu’il venait de créer. Sa préoccupation atteignait tout à la fois. Il avait déjà conçu le projet secret d’appeler le pape à son couronnement, et, pour y parvenir, il ne négligeait ni la puissance de sa volonté qu’il lui manifestait de manière à ne point éprouver de refus, ni l’adresse avec laquelle il pouvait espérer de le gagner. Il envoya la croix de la Légion d’honneur au cardinal Caprara, légat du pape. Cette distinction fut accompagnée de paroles flatteuses pour le souverain pontife et consolantes pour le rétablissement de la religion. On les publia dans le Moniteur.

Quand il communiqua cependant au conseil d’État son projet d’appuyer son élévation d’une telle pompe religieuse, il eut à soutenir la résistance d’une partie de ses conseillers d’État effarouchés de ce saint appareil. Treilhard, entre autres, s’y opposa fortement. L’empereur le laissa parler, et lui répondit ensuite : « Vous connaissez moins que moi le terrain sur lequel nous sommes ; sachez que la religion a bien moins perdu de sa puissance que vous ne le pensez. Vous ignorez tout ce que je viens à bout de faire par le moyen des prêtres que j’ai su gagner. Il y a en France trente départemens assez religieux pour que je ne voulusse pas être obligé d’y lutter de pouvoir contre celui du pape. Ce n’est qu’en compromettant successivement toutes les autorités que j’assurerai la mienne, c’est-à-dire celle de la révolution, que nous voulons tous consolider. »